Le début d’année 2025 a été marqué par la publication des premiers rapports de durabilité alignés sur la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). BL évolution a publié une étude sur les rapports publiés par les entreprises du SBF 120, qui analyse la manière dont les entreprises structurent leur reporting et leur stratégie RSE. L’analyse se penche notamment sur la manière dont elles abordent l’exercice de double matérialité et identifient leurs Impacts, Risques et Opportunités (IROs) dans leur reporting CSRD.
Cet exercice de double matérialité constitue en effet la clé d’entrée du reporting CSRD. L’entreprise commence par identifier les Impacts, Risques et Opportunités (IRO) liés à ses activités, en tenant compte des dimensions Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG), et en se référant aux dix standards thématiques (ESRS) définis par la CSRD. Elle procède ensuite à leur évaluation et détermine le seuil au-dessus duquel les IROs sont considérés comme matériels. Cette analyse sert de fondement pour déterminer les exigences de divulgation (DR) ainsi que les données à publier dans le cadre du reporting.
Toutes les entreprises analysées ont identifié leurs IROs, mais le nombre d’IROs matériels varie sensiblement selon les secteurs d’activité et la structure des entreprises. En effet, ce nombre va de 13 à 203 IROs selon les entreprises – ce chiffre correspondant à Bouygues, en lien avec la diversité de ses métiers – pour une moyenne de 47 IROs par entreprise.
Au-delà du nombre, la manière de présenter ces informations varie également. Si 91 % des entreprises les exposent sous forme de tableau (source : CSRD 2025 – Enseignements de la première vague de rapports de durabilité), le contenu et le niveau de détail varient. Eiffage, groupe de construction et de concessions français, propose un tableau synthétique présentant les informations demandées par la CSRD, tandis que Saint-Gobain, producteur et distribue des matériaux et services pour les marchés de l’habitat et de l’industrie, met l’accent sur les interactions entre ses IROs et sa stratégie.
Eiffage : une structuration claire des IROs
Eiffage propose un tableau clair et complet, détaillant chaque IRO matériel, son horizon temporel, son emplacement sur la chaîne de valeur, son niveau de matérialité et les politiques en place pour y répondre.
Dans son tableau des IROs (pages 81 à 83 du rapport de durabilité), Eiffage répond aux exigences de la CSRD en identifiant les impacts positifs ou négatifs de ses activités sur la société et l’environnement, ainsi que les risques et opportunités susceptibles d’affecter sa performance économique, classés par enjeux ESG. Pour chaque IRO, l’entreprise précise bien l’horizon temporel concerné (court, moyen ou long terme – voir colonne 4 du tableau ci-dessous) ainsi que l’emplacement de l’IRO sur sa chaîne de valeur (colonne 5).
Pour plus de précision, Eiffage affiche le niveau de matérialité de chaque IRO de manière visuelle (colonne 4), ce qui permet de comprendre son niveau de priorité pour l’entreprise. Le groupe y associe également les politiques ou plans d’action mis en place pour y répondre.
Par exemple, la première ligne met en évidence un impact négatif élevé, à court terme, lié à la consommation d’eau sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Cet enjeu est adressé par Eiffage à travers sa charte « Eau et milieux aquatiques », le suivi des consommations et la gestion raisonnée de la ressource dans ses projets. Ces éléments sont détaillés dans la suite du rapport pour répondre aux exigences de divulgation associées.
Eiffage a donc une manière de présenter ses IROs claire, complète et synthétique, qui fait le lien avec la suite de son rapport.
Figure 1 : Présentation des IROs d’Eiffage sur l’eau et la biodiversité
Saint-Gobain : l’intégration stratégique des IROs
Saint-Gobain a d’abord présenté la matérialité de ses enjeux de façon assez standard, en repartant des thèmes et sous-thèmes définis dans l’AR-16 de la CSRD, et en indiquant les thèmes matériels sur la dimension d’impact ou sur la dimension financière (voir figure 2 ci-dessous).
L’entreprise se distingue principalement par l’intégration des enjeux RSE au cœur de sa stratégie et de son modèle d’affaires, visible tout au long de son rapport. On lesretrouve dans la présentation de ses IROs, articulés autour des trois grands axes de la stratégie du groupe : 1) Contribuer à un monde décarboné, 2) Améliorer la performance de notre écosystème en réduisant son empreinte sur la nature, 3) Participer à un monde plus sain, plus juste et plus inclusif.
Saint-Gobain décrit d’abord ses IROs, puis son approche générale pour réduire ses impacts et risques et saisir ses opportunités, son ambition stratégique et ses actions (voir figure 3).
Par exemple, sur les enjeux liés au climat (ESRS E1), l’entreprise décrit d’abord les impacts négatifs liés à ses activités (émissions de gaz à effet de serre sur les 3 scopes), puis les risques (hausse des coûts de l’énergie, investissements pour financer la transition et l’adaptation au changement climatique) et opportunités (demande croissante pour leurs solutions de rénovation de bâtiments, de décarbonation de l’industrie ou encore de construction durable) que l’enjeu présente pour l’entreprise. On y retrouve la structure de sa stratégie, avec une approche visant à minimiser l’empreinte du groupe afin de réduire ses impacts négatifs et ses risques d’une part, et à maximiser sa contribution en saisissant les opportunités d’autre part, puis les ambitions stratégiques et actions qui en découlent (feuille de route carbone 2030, etc.).
La présentation des IROs de Saint-Gobain est particulièrement intéressante, car elle illustre bien les liens entre les IROs et la stratégie globale de l’entreprise, un objectif central de la CSRD.
Figure 2 : Matérialité des sous thèmes environnementaux de Saint-Gobain
Figure 3 : Présentation des IROs de Saint-Gobain sur le changement climatique, en lien avec sa stratégie
Des IROs au cœur du rapport, de la stratégie et de la gouvernance
L’exercice de la CSRD a incité les entreprises à identifier leurs impacts, leurs risques et leurs opportunités associés aux enjeux RSE et à divulguer les politiques et actions mises en place pour les traiter. S’il existe différentes manières de présenter ses IROs, le plus important est qu’ils soient présentés dans le rapport et qu’ils servent de point de départ pour décrire les politiques, actions, objectifs et indicateurs mis en place pour y répondre, au sein de l’entreprise. Les IROs doivent aussi être pris en compte dans la stratégie globale de l’entreprise et dans son modèle d’affaires, afin d’assurer sa résilience face aux enjeux RSE, ce qui implique d’engager sa gouvernance dans la démarche.