La première référence à l’économie circulaire en Europe se trouve dans le rapport sur « Le potentiel de substitution de la force humaine par l’énergie », adressé à la Commission Européenne en 1976 par Walter Stahel et Geneviève Reday. Presque cinquante ans après, « l’économie en boucle » qu’ils évoquaient apparaît dans les principaux documents de planification des pays européens. 

L’économie circulaire a notamment pour objectif de réduire la consommation de matières d’un territoire (aussi appelée empreinte matières). En France, le Gouvernement a constaté une baisse de sa consommation intérieure, particulièrement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Cependant, l’empreinte matières française stagne depuis une décennie, avec environ 340 millions de tonnes de matières importées chaque année, selon une évaluation du Secrétariat général à la planification écologique parue en juillet 2023. C’est pour cela que le Gouvernement et les collectivités territoriales se sont engagés depuis des années pour le déploiement de l’économie circulaire sur leurs territoires. 

De ce fait, il faut encore aller plus loin. L’objectif de cet article est de recenser quelques initiatives d’économie circulaire menées par des villes européennes qui pourraient inspirer les actions des territoires français. Ces actions seront organisées selon les 7 piliers de l’ADEME, à savoir : les achats responsables, l’éco-conception, l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, l’écologie industrielle et territoriale, la consommation responsable, l’allongement de la durée de vie et le recyclage.

Les 7 piliers de l’ADEME

 

Exemple de démarche d’achats responsables : le projet SPP Regions pour la mutualisation de la commande publique 

Subventionné par la Commission Européenne, le projet SPP Regions rassemble sept régions européennes (Copenhague au Danemark, Rotterdam aux Pays-Bas, Turin en Italie, Bristol au Royaume Uni, Barcelone en Espagne, les régions Bretagne, Normandie et Pays de la Loire en France et Gabrovo en Bulgarie) qui ont décidé de mutualiser un total de 42 filières d’approvisionnement. 

Au-delà de la mise en commun, les participants souhaitent s’engager dans une démarche de durabilité et d’innovation pour la commande publique inspirée par la campagne Procura+. Cette initiative européenne pour la durabilité des achats publics rassemble dans son réseau les autorités publiques de l’eurozone depuis deux décennies et organise des prix annuels pour les territoires les plus innovants.

Dans le cadre du projet SPP Regions, les représentants des villes concernées pilotent des projets de recherche sur des sujets d’intérêt (marchés, analyse du cycle de vie des produits et services, économie circulaire). En outre, des séries de séminaires, ateliers et webinaires sont organisés avec la participation d’experts afin de dynamiser le réseau. 

Exemple de démarche d’éco-conception : le projet de construction circulaire CIRCuIT (Circular Construction in Regenerative Cities)

Présenté dans le cadre de l’Horizon 2020 de la Commission Européenne, le projet Construction Circulaire dans les Villes Régénératives (Circular construction in Regenerative Cities – CIRCuIT) a pour objectif de sensibiliser à la rénovation urbaine en mobilisant les principes de la durabilité et l’économie circulaire. Intégrée par 31 acteurs publics et privés de Copenhague, Hambourg, Helsinki et Londres, cette initiative vise à jeter un pont entre la théorie, la pratique et les décisions politiques à travers une série de démonstrations, études de cas et l’organisation d’événements sur la construction circulaire. L’intention est que les démarches innovantes et existantes dans certains territoires puissent inspirer la transition écologique des collectivités européennes. 

Parmi les sujets abordés, il faut souligner les actions pour la réutilisation des matériaux de construction, l’allongement de la durée de vie des bâtiments à travers la rénovation et la transformation ainsi que le développement de bâtiments éco-conçus qui soient faciles à réutiliser, recycler, transformer et renouveler.

En outre, une plateforme en ligne pour engager et informer les citoyens a été créée. Dans ce Circularity Hub, les utilisateurs ont accès à des atlas de données sur la construction circulaire, un portail citoyen et un wiki sur les matériaux de construction, entre autres. 

Exemple de démarche d’économie de la fonctionnalité : le plan d’économie partagée de la ville d’Amsterdam 

Le plan d’économie partagée (Sharing Economy Action Plan, en anglais) de la ville d’Amsterdam fait partie de la stratégie d’économie circulaire en place de la ville néerlandaise. L’idée de base est d’amener les acteurs économiques privés et les citoyens à se servir des plateformes de partage (sous forme d’applications ou de réseaux sociaux existants) pour optimiser les ressources et les matériaux, tout en réduisant les risques associés à leur utilisation. 

Parmi les secteurs d’activités concernés, les organisateurs ont mis l’accent sur le logement, les bureaux, le partage de produits et la mobilité basée sur le partage, comme le co-voiturage. Le plan prévoit aussi l’action conjointe entre plusieurs services de la collectivité, afin de proposer des solutions intégrées sous la coordination d’un pilote. Cette collaboration interservices a abouti à la création d’une approche commune pour les responsables de l’élaboration des politiques publiques, ainsi qu’à la montée en compétences sur le sujet de toutes les équipes et entreprises participantes. Par exemple, la ville d’Amsterdam voulait inclure les populations ayant des revenus faibles. Les agents ont choisi de mettre en place un partenariat avec une plateforme de partage d’invendus de nourriture qui a permis de créer une nouvelle communauté locale autour du projet, d’assurer une bonne alimentation pour la population concernée par la démarche et d’aider les créateurs de la plateforme utilisée à identifier des nouvelles opportunités pour accroître leur service. 

Exemple de démarche d’écologie industrielle et territoriale : la ville industrielle de Landskrona, en Suède 

La ville industrielle de Landskrona a démarré en 2003 le premier projet d’écologie industrielle et territoriale développé en Suède. Aujourd’hui, la démarche, financée et accompagnée par l’Agence de Développement Economique suédoise, rassemble plus de 20 entreprises de différentes tailles et de différents secteurs économiques (dont notamment l’agro-industriel, le secteur automobile, le secteur chimique et le secteur portant sur la gestion des déchets). 

La mise en place de ces synergies a été possible grâce au volontarisme des entreprises qui y participent, inspirées par les bénéfices économiques (la réduction des coûts et l’augmentation de leur compétitivité) et la plus-value environnementale des démarches d’EIT. Pourtant, le soutien de la collectivité territoriale responsable de la gestion du parc industriel de la ville -via sa participation directe à la démarche et le relai d’informations entre les acteurs- fait aussi partie des clés de réussite du projet.

Les principales synergies mises en place concernent, au-delà des échanges de matériaux et d’énergie, le management des effets sur l’environnement, le transport et la logistique, ainsi que la mutualisation de postes de travail. 

Exemple de démarche de consommation responsable : l’initiative Foody Zero Sprechi de la ville de Milan et leur système pour la prévention du gaspillage alimentaire 

Le gaspillage alimentaire est l’un des problèmes principaux du système alimentaire européen d’aujourd’hui. La ville italienne de Milan a une tradition d’innovation dans ses politiques alimentaires : des partenariats avec des fondations pour la récupération des invendus, la création d’un site web de partage de bonnes pratiques contre le gaspillage et pour une alimentation bio et locale et la mise en pratique d’une plateforme visant à sensibiliser les acteurs locaux vers des business model plus durables, entre autres.

L’initiative Foody Zero Sprechi (Zéro déchets alimentaires, en français) est l’une des dernières actions de la municipalité. Elle consiste à installer des points de récupération des invendus des supermarchés dans tous les quartiers de la ville. Selon les organisateurs de la démarche, en 2022 ces nœuds ont collecté plus de 177 tonnes qui ont été distribuées à plus de 3 500 familles. 

Afin de réduire le gaspillage dans les cantines scolaires, la ville de Milan a aussi développé le projet Sacchetto Salvamerenda (« sac pour garder le goûter », en français). Disponibles gratuitement pour tous les établissements scolaires, ces sacs lavables et réutilisables sont utilisés pour conserver les restes de nourriture qui ne sont pas consommés pendant le déjeuner, principalement des fruits et du pain.  

Exemple de démarche d’allongement de la durée de vie : le projet City Loops rassemblant 6 villes européennes autour de la circularité des matériaux de construction

La construction est l’une des activités les plus génératrices de déchets. En France, les activités du bâtiment et des travaux publics (BTP) sont responsables de la production de  46 millions de tonnes de déchets par an. C’est pourquoi les acteurs du secteur cherchent à développer une méthodologie pour implémenter la circularité dans les flux de matériaux urbains. 

Ayant obtenu le soutien de la Commission Européenne en 2019, le projet City Loops rassemble sept villes de petite et moyenne taille au Danemark, en Finlande, aux Pays-Bas, en Norvège, au Portugal et en Espagne. L’objectif de la démarche est de développer une méthodologie de gestion circulaire des matériaux de construction qui puisse être applicable dans toutes les villes européennes. Pour cela, un diagnostic sous la forme d’une étude de métabolisme urbain (c’est-à-dire, un calcul des flux d’énergies et de matières qui entrent et sortent d’un territoire) est réalisé à l’échelle de chaque ville, afin de connaître l’état des lieux initial et ses besoins. Ensuite, les participants testeront plusieurs instruments et méthodologies visant à faciliter la planification circulaire et la prise de décisions dans les politiques d’urbanisme et du BTP. En outre, le projet prévoit le développement d’un réseau d’apprentissage collaboratif pour les acteurs régionaux.

Exemple de démarche de recyclage : le programme Scalibur, le hub des biodéchets de 4 villes européennes 

Défini comme « la plateforme des biodéchets », le programme Scalibur a pour objectif l’accompagnement et la mise en valeur des démarches de transformation des biodéchets en matières premières. Présentée lors de l’Horizon 2020 de l’Union Européenne, cette initiative est pilotée par quatre régions européennes : Kozani en Grèce, Albano Laziale en Italie, Madrid en Espagne et Lund en Suède. 

Dans le cadre de Scalibur, les pratiques les plus efficaces et originales de collecte, transport, tri, traitement et caractérisation des déchets organiques et des boues d’épuration sont recensées et diffusées auprès des acteurs économiques et des gouvernements locaux. Le programme constitue aussi une plateforme qui met en relation les acteurs publics et privés dans le but de développer des initiatives innovantes et intégrées de gestion des biodéchets. 

 

Comme on peut l’apprécier avec les exemples mentionnés dans cet article, il y a plusieurs manières d’intégrer l’économie circulaire dans sa planification territoriale, mais elles partagent toutes les mêmes objectifs : réduction de la consommation des ressources et prévention de la génération des déchets. BL évolution vous accompagne dans la réalisation de votre stratégie économie circulaire, et vous aide à construire la stratégie et le plan d’actions les plus adaptés aux enjeux de votre territoire.