Le début de l’année 2025 a été marqué par la publication des premiers rapports de durabilité alignés avec la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). BL évolution a publié une étude sur les rapports publiés par les entreprises du SBF120, portant sur la manière dont les entreprises structurent leur reporting et leur stratégie RSE.

La CSRD a changé le reporting des entreprises en cadrant les informations à publier, mais elle visait surtout à transformer l’approche des enjeux RSE par les entreprises. Passant d’une déclaration des actions réalisées sur les enjeux de développement durable à une déclaration stratégique des impacts, risques, opportunités et actions menées sur les enjeux matériels, la RSE est devenue un sujet clé de stratégie et de performance de l’entreprise. L’analyse approfondie des modèles économiques est encore timide cette année selon notre revue des premiers rapports CSRD des entreprises du SBF 120. Explorons ici les pionniers d’une prise en compte réelle de la RSE dans le business model et la stratégie d’entreprise.

 Questionner la résilience des axes de développement : l’exemple d’Orange

Avec ce nouveau format de reporting, les entreprises ont dû s’atteler à l’analyse des risques et opportunités découlant de chacun des enjeux identifiés comme matériels. Cette analyse permet donc de déterminer comment les différents aspects sociaux et environnementaux pourraient affecter l’entreprise et d’évaluer la résilience du modèle d’affaires par rapport à ces risques.

Si l’exercice de description des risques et des effets pour l’entreprise a plutôt bien été appréhendé par les entreprises, la réciproque (l’analyse du business model, de la stratégie et de sa résilience face aux risques) est encore à ses débuts. Notamment, si la notion de résilience est souvent bien décrite dans les parties de description des IRO (impacts, risques et opportunités), elle ne figure pas dans la description du business model de l’entreprise et de sa stratégie.

Des entreprises comme Orange commencent toutefois à l’intégrer et se positionne en avance de phase. On voit apparaître au sein des paragraphes de description de la stratégie des références directes à l’analyse des IRO et comment cette analyse a été intégrée (voir extrait ci-dessous).

Extrait du chapitre 4.1.3 Stratégie du DEU 2024 d’Orange, paru le 17 mars 2025.

 

La durabilité parfois présentée en pilier de performance de l’entreprise – l’exemple de Schneider Electric

Il est désormais envisageable que, grâce à ce nouveau format d’exercice, de plus en plus d’entreprises percevront la performance RSE comme un indicateur concret de gestion du risque, de résilience, et donc de santé de l’entreprise. Schneider Electric fait de ses indicateurs RSE  des indicateurs de performance. Ils sont présentés dans les rapports de l’entreprise au même niveau que les données financières (voir extrait ci-dessous).

Extrait en anglais du DEU de Schneider Electric présentant les indicateurs clés de l’impact environnemental de Schneider au même niveau que les indicateurs financiers.

CSRD et business model : l’exemple de Veolia, une stratégie résiliente au service du vivant

Si la première étape consiste à analyser si le business model et la stratégie sont compatibles avec les enjeux de durabilité de demain, il est encore plus remarquable de voir des entreprises proposer une stratégie d’entreprise visant directement à respecter les limites planétaires et le plancher social (économie du Donut). Mais de manière générale, la démarche n’est pas généralisée et trop souvent les descriptions des modèles d’affaires omettent souvent de valoriser les ressources non monétaires sur lesquelles elles s’appuient, ainsi que les bénéfices non financiers apportés à la société.

Veolia se distingue en proposant une stratégie visant pleinement à faire de la durabilité et de la régénération des écosystèmes un positionnement fort et un modèle d’affaires à part entière. Avec son modèle d’affaires fondé sur la « performance plurielle », la décarbonation, la dépollution et la régénération des ressources sont devenues des priorités stratégiques pour l’entreprise et non des outils de gestion des risques environnementaux.

Extraits du DEU 2024 de Véolia.

Une évolution massive des modèles d’affaires et stratégies des entreprises du SBF 120 à venir ?

Si les exemples présentés sont encore des exceptions dans le paysage du SBF 120, ce premier exercice de la CSRD a permis aux entreprises de faire le point sur les risques et opportunités associés aux enjeux matériels, ainsi que sur les actions réellement engagées. Même si les descriptions stratégiques sont encore marginales à ce jour et que les enjeux RSE restent encore peu intégrés au cœur de métier, on peut raisonnablement espérer que les analyses de risques de durabilité trouveront leur chemin vers les prochains exercices de planification stratégique. En généralisant le vocabulaire stratégique pour les enjeux RSE (risques, résilience, stratégie…), la CSRD est en train de repositionner la RSE comme l’outil qu’elle aurait dû être depuis le début : un levier de questionnement de sa résilience et d’évolution de son modèle d’affaires.

Pour en apprendre davantage sur les pratiques de reporting des entreprises du SBF 120 et des entreprises européennes, consultez notre étude détaillée :

Etude CSRD 2025 : enseignements de la première vague de rapports de durabilité