Chaque année, le Black Friday met en évidence un modèle de consommation basé sur la course aux volumes, les remises agressives, les achats impulsifs et une logistique sous forte pression. En réaction, le Green Friday s’affirme comme une alternative : il ne s’agit pas simplement de faire moins de promotions, mais de revisiter les fondements de l’offre, de la production et de la relation client. Pour une entreprise engagée dans une démarche RSE, c’est un moment stratégique pour s’afficher mais surtout pour mettre en lumière des modèles différents, plus sobres, plus circulaires. L’enjeu est de ne pas en rester à un geste symbolique d’un jour, mais d’inscrire ces modèles alternatifs dans une stratégie de transformation durable.
Green Friday : un mouvement qui interroge profondément notre modèle de consommation
Le mouvement Green Friday, lancé en 2017 par le réseau Envie, est né de la volonté de contester la logique du Black Friday : consommation frénétique, soldes massives, promotions à outrance, avec 2,5 millions de colis livrés chaque jour à Paris sur cette période, 10 fois plus que sur le reste de l’année selon Reporterre. Il s’agit de poser une question essentielle : « Ai-je vraiment besoin de cet objet ? » Au-delà du geste individuel, il s’agit d’un questionnement sur l’ensemble du cycle de vie du produit : comment le produit est-il conçu ? comment est-il transporté ? quelle est sa durée de vie ? L’enjeu pour les entreprises est double : repenser en profondeur leur offre commerciale d’un côté, et de l’autre, revisiter l’ensemble de leur chaîne de valeur logistique, distribution et relation client pour la rendre plus durable.
Le Green Friday invite aussi à considérer la consommation non pas comme un acte mécanique, mais comme un choix ayant des impacts sociaux et environnementaux. Cela ouvre la voie à une responsabilité accrue des entreprises : non seulement réduire les externalités négatives, mais aussi proposer des alternatives achat de seconde main, services de réparation, économie de la fonctionnalité.
Faire du Green Friday un atout stratégique
Renforcer sa crédibilité : plus qu’un label, un véritable engagement
Dans un contexte réglementaire et sociétal en pleine mutation, les entreprises sont de plus en plus attendues. Les parties prenantes clients, collaborateurs, investisseurs ne se contentent plus de promesses : elles exigent des actes. En s’engageant dans cette journée, l’entreprise montre qu’elle n’est pas dans une logique de promotions à tout prix, mais qu’elle questionne son modèle. Cela renforce la cohérence de sa stratégie RSE, améliore sa réputation et peut même devenir un levier différenciant.
Transformer le modèle d’affaires vers la durabilité
Le Green Friday peut agir comme un véritable catalyseur d’innovation dans l’offre : développement de produits réparables ou reconditionnés, mise en place de services de maintenance, ou encore recours à des modèles fondés sur l’usage plutôt que sur la propriété (location, partage, abonnement). Ces approches permettent aux entreprises de sortir d’une logique centrée sur le volume pour privilégier la durabilité, la cohérence et la valeur à long terme. La Camif, par exemple, s’illustre chaque année par son engagement contre le Black Friday et ses impacts : cette entreprise française de meubles, literie et décoration a fermé volontairement son site ce jour-là en 2017, 2018 et 2019 pour dénoncer la surconsommation et valoriser des modes d’achat plus responsables, tout en mettant en avant sa production locale et durable. Sur son site internet, elle met en avant l’importance primordiale de la réduction de l’empreinte carbone par rapport aux réductions de prix, et partage des conseils pour lutter contre la consommation inutile.
Engager ses parties prenantes et son secteur
S’engager dans le Green Friday, ce n’est pas seulement un exercice de communication externe : c’est une réelle opportunité pour mobiliser les collaborateurs, les sensibiliser à la consommation responsable, et organiser des ateliers ou événements autour de la réparation, du réemploi, de l’économie circulaire. C’est aussi un moyen de construire une culture d’entreprise véritablement alignée avec les principes de la transition écologique.
Faguo illustre bien cette dynamique : l’entreprise a initié en 2019 le collectif Make Friday Green Again, qui rassemble aujourd’hui plus de 1 000 marques engagées à ne pas participer au Black Friday et à promouvoir des actions de tri, de revente, de réparation ou de sensibilisation auprès de leurs communautés. En s’inscrivant dans cette logique d’engagement collectif, une entreprise transforme non seulement sa relation avec ses parties prenantes, collaborateurs, clients, fournisseurs mais contribue aussi à repositionner son secteur autour d’un objectif commun : consommer moins mais mieux, repenser les usages et créer un impact positif partagé.
Comment les entreprises peuvent agir concrètement
Pour passer du discours à l’action, plusieurs pistes sont à la portée des organisations, quel que soit leur niveau de maturité RSE.
Réorienter l’offre vers la durabilité
Plutôt que de multiplier les promotions, certaines entreprises choisissent de mettre en avant des produits réparables ou reconditionnés. Cela peut se traduire par l’allongement des garanties ou par le développement de services associés, comme la réparation ou le réemploi. Ces initiatives permettent de réduire l’impact environnemental tout en renforçant la confiance des clients.
Activer des stratégies de circularité
Le Green Friday peut devenir un temps fort pour initier ou renforcer des démarches circulaires. Par exemple, des marques proposent la reprise de produits usagés, organisent des ateliers de réparation en boutique, ou nouent des partenariats avec des acteurs du réemploi. Ces actions ont l’avantage de valoriser les ressources existantes et de réduire le volume de déchets généré par l’activité.
Réduire la pression commerciale du Black Friday
Certaines organisations prennent le contre-pied total du Black Friday en mettant en pause leurs promotions, voire en fermant temporairement leur boutique en ligne. L’objectif est de proposer un message clair : consommer moins mais mieux. D’autres choisissent de reverser une partie du chiffre d’affaires à des associations environnementales, renforçant ainsi la dimension solidaire et engagée de la démarche. Mais attention aux bonnes actions ainsi affichées : certaines entreprises augmentent en réalité leurs prix, pour ne reverser que le surplus aux associations…
Optimiser l’impact logistique
Les périodes de grande promotion engendrent une explosion des livraisons et des retours. Le Green Friday peut être l’occasion de repenser ces aspects en favorisant des livraisons groupées, en limitant les emballages ou en améliorant l’information produit pour réduire les retours. Ces mesures sont souvent peu coûteuses mais très efficaces pour diminuer l’empreinte carbone liée à la logistique.
Maintenir un rôle pédagogique
Enfin, la dimension éducative reste essentielle. Le Green Friday est un moment privilégié pour communiquer autrement : informer sur les impacts environnementaux, partager des bonnes pratiques d’usage durable, ou proposer des ateliers internes de sensibilisation. Ces initiatives peuvent renforcer le lien avec les clients et donner du sens à la démarche.
Les pièges à éviter pour un Green Friday vraiment crédible
S’engager dans le Green Friday demande un minimum de vigilance. Le premier écueil, sans surprise, consiste à en faire un simple coup de comm : un peu de vert dans la communication, quelques messages pseudo engagés… mais rien de concret derrière. Ce décalage entre le discours et la réalité finit toujours par se voir et peut sérieusement entamer la confiance des parties prenantes.
Un autre piège est de conserver les codes du Black Friday tout en les enveloppant d’un vernis « durable » : promotions agressives, volumes de vente qui explosent, logistique sous pression… Tout cela reste incompatible avec une démarche de sobriété. Revendiquer un Green Friday tout en reproduisant les mêmes mécanismes affaiblit immédiatement la crédibilité de l’entreprise.
Il y a également le risque de se contenter de mettre en avant une gamme « responsable » le temps d’une journée, sans questionner le reste du modèle. Cela crée une façade engagée, mais l’arrière-plan demeure inchangé. Les clients, comme les collaborateurs, perçoivent rapidement ce type de stratégie vitrine.
Enfin, considérer le Green Friday comme une opération ponctuelle est une erreur fréquente. Cette journée ne devrait pas être une parenthèse, mais un point de départ : un moment qui ouvre sur une trajectoire, une feuille de route, des engagements mesurables. Sans continuité, l’initiative perd sa portée et ne contribue pas à la transformation.
En somme, la démarche n’a de sens que si elle est cohérente, tangible et inscrite dans la durée. C’est cette constance qui permet à l’entreprise de renforcer sa crédibilité et de faire du Green Friday un levier réel de transition.
Vers un modèle durable : et si le Green Friday devenait la norme ?
En définitive, le Green Friday ne doit pas être réduit à un événement ponctuel. Il représente bien plus : un levier de transformation des modèles économiques, un outil d’engagement interne et externe, un moment pour aligner valeurs et pratiques. Pour les entreprises qui souhaitent inscrire la transition écologique au cœur de leur stratégie RSE, c’est une occasion de marquer un tournant de sortir de l’économie de volume pour avancer vers une économie de la valeur, de la durabilité, de la circularité. Adopter cette démarche, c’est affirmer que la sobriété n’est pas une contrainte mais bien une opportunité : d’innovation, de différenciation, de création de sens.