Pourquoi est-il nécessaire de changer radicalement nos habitudes de déplacement ? 

La mobilité est avant tout un droit. Elle peut être scolaire ou liée au travail, quotidienne ou de loisirs, mais elle demeure un élément essentiel de notre mode de vie, associée à des valeurs d’autonomie et de liberté. Elle est à ce titre éminemment politique, sociale et sociétale

Or, la manière dont nous nous déplaçons est nécessairement amenée à connaître dans les prochaines années des bouleversements systémiques. Les enjeux environnementaux (artificialisation des sols, climat et qualité de l’air), de santé (lutte contre la sédentarité, notamment des enfants, autonomie des seniors…), socio-économiques (crise énergétique durable, hausse des prix du carburant, lutte contre la précarité, isolement) nous imposent de repenser un modèle d’aménagement territorial et de mobilité qui a longtemps reposé exclusivement sur la voiture individuelle. Cette nouvelle approche induit un véritable changement culturel dans notre rapport au déplacement, qui doit devenir davantage choisi que subi, et s’inscrire dans des valeurs de lien social, de convivialité, de bien-être et d’inclusivité, de sobriété économique et énergétique, de résilience. Elle doit enfin être partagée par l’ensemble des acteurs locaux : les collectivités et les transporteurs, mais aussi les employeurs publics ou privés, les associations, les établissements scolaires, les usagers, etc.

Comment s’engager sur le chemin d’une mobilité qui réponde à ces enjeux ? 

Notre approche des mobilités durables sur un territoire s’inscrit sous l’angle de l’échelle géographique (de la courte distance à la longue distance) et sous l’angle de la demande (des besoins diffus aux besoins de masse). 

La marche

Pour de nombreux déplacements courts, la marche doit redevenir un réflexe et un plaisir, quand on sait que quel que soit le type de territoire, de la commune isolée en zone rurale, à la grosse agglomération, au moins 20 % des déplacements font moins de 1 km. Or, plus de 50% des déplacements de moins de 1 km sont effectués en voiture alors qu’à peine 40% de ces déplacements sont effectués à pied[1]. Cela implique un effort soutenu et attentif à l’aménagement des espaces publics et de la voirie, qui doivent être mieux partagés, au profit des modes actifs.

Crédit : BL évolution

La pratique cyclable

Le développement de la pratique cyclable sur tous les territoires est pour nous incontournable car elle permet de répondre de manière efficace et positive aux enjeux de déplacements décarbonés, de santé, d’autonomie, de moindre dépendance au système économique de la voiture. La pratique cyclable du quotidien a enfin entamé son retour en France, mais elle n’est encore qu’au début de la courbe de son potentiel, avec 3% de part modale. Or,  pour un objectif de 30% des déplacements réalisés à vélo d’ici quinze ans semble atteignable, quand on sait que quel que soit le type de territoire, plus de la moitié des déplacements font moins de 5 km[2] et que le développement du vélo à assistance électrique ouvre la pratique cyclable à des déplacements plus longs ou pour l’ensemble ou presque des usagers. L’engagement dans une politique vélo affirmée et ambitieuse, de la part de l’Etat, des collectivités, des employeurs, des établissements scolaires… est nécessaire. Elle passera par des aménagements cyclables qualitatifs et sécurisés et la construction d’un écosystème de services vélo complet, pour proposer une réelle alternative à la voiture particulière, en lien avec les autres modes de transport (intermodalité).

Crédit : BL évolution

Les transports collectifs

Pour les déplacements longue-distance, les transports collectifs doivent être fortement soutenus pour constituer une alternative crédible à la voiture partout où cela est pertinent.  Le secteur traverse depuis plusieurs années une phase de turbulence, liée à la crise sanitaire et à la fragilité de son modèle économique, qui entraîne une baisse de la qualité de service. Améliorer et faciliter la desserte en transports vers les lieux générateurs de déplacement reste un enjeu essentiel pour celles et ceux qui ne peuvent pas se déplacer temporairement ou durablement par leurs propres moyens (marche, vélo, conduite d’un véhicule). Dans les territoires peu denses, nous sommes convaincus qu’il est possible et souhaitable de réinventer le transport public de proximité, par une offre différente, solidaire, partagée, s’appuyant sur la combinaison des modes. Là où les besoins sont structurants, des investissements importants et pérennes sont essentiels, au niveau régional, national et européen. Le train, en particulier, est rendu incontournable pour sa capacité à répondre de manière décarbonée aux enjeux de déplacements de masse. Le train de nuit doit constituer une alternative crédible à l’utilisation de l’avion pour les déplacements en France métropolitaine, notamment pour les déplacements interrégionaux, mais aussi pour les déplacements au sein de l’Union Européenne.

Crédit : BL évolution

La voiture

La voiture, aujourd’hui hégémonique, devra nécessairement devenir moins dominante et plus partagée, qu’elle soit électrique ou thermique. Dans ce cadre, le covoiturage et l’autopartage représentent une formidable opportunité, et peuvent devenir des leviers essentiels pour diminuer l’impact énergétique et économique de nos déplacements. Cette solution a su séduire de nombreux usagers pour des déplacements longs, souvent ponctuels. L’écosystème du “covoiturage du quotidien » (aires, mise en relation, communication, incitation financière…) se structure progressivement par le soutien des collectivités et de l’Etat et par des solutions innovantes, depuis la sécurisation de la pratique ancienne de l’autostop jusqu’à des lignes de covoiturage dynamiques.

Crédit : BL évolution

 

Enfin, au-delà de la manière de se déplacer, il faudra également réinterroger nos besoins en déplacements et diminuer les distances parcourues. Le télétravail constitue un premier levier : son développement doit être accompagné (accès à une connexion internet fiable, développement de tiers-lieux et de co-working, adaptation des modes d’organisation…) afin de limiter ses impacts négatifs (perte de lien social, inégale répartition selon les territoires, les secteurs d’activités et les catégories socio-professionnelles…). Les documents d’urbanisme et de planification sont aussi essentiels pour redévelopper l’offre de commerces, de services à proximité de nos lieux de vie, et diminuer ainsi les distances qu’il nous faut parcourir chaque jour. Les tiers-lieux, les commerces multiservices, portés par une dynamique locale, témoignent aussi de cette ambition et doivent être soutenus.