Alors que la France vient de changer de Premier ministre, le monde agricole formule des attentes fortes. Entre urgence sociale et crise écologique, les agriculteurs veulent une transition durable qui ne repose pas uniquement sur leurs épaules. Répartition plus juste de la valeur, réduction de la pression sur les ressources naturelles et régénération des écosystèmes : trois axes prioritaires sur lesquels le gouvernement est attendu au tournant.

Mieux répartir la valeur : condition indispensable pour soutenir la transition

Les agriculteurs sont prêts à s’engager davantage dans la transition agroécologique, mais seulement si les moyens économiques suivent. Une vaste consultation menée fin 2024 par The Shift Project auprès de 7 700 agriculteurs montre que 87 % d’entre eux posent une condition économique avant de changer leurs pratiques : meilleure rémunération, aides stables ou protection face à la concurrence étrangère. 81 % jugent que le manque de financement est un frein majeur, et près de 90 % craignent que la transition ne fragilise leur compétitivité si elle n’est pas accompagnée.

Ce besoin est visible dans les chiffres de l’agriculture biologique. En 2023, pour la première fois depuis trente ans, la surface agricole utile cultivée en bio a reculé (de 10,50 % à 10,36 %). Le mouvement est lié au désengagement de certaines grandes cultures et à la baisse des fourrages bio, dans un contexte de coûts élevés et de demande en baisse, selon Le Monde.

Il faut donc que le gouvernement accompagne les agriculteurs par des dispositifs de rémunération équitables, des aides à la conversion et au maintien, et des mécanismes de partage de la valeur qui incluent également distributeurs et transformateurs. Fixer des objectifs clairs de revenu agricole décent et garantir des débouchés stables est indispensable pour enclencher la dynamique.

Réduire la pression sur la nature et adapter les pratiques

La réduction des intrants chimiques et de la consommation d’eau est une priorité largement partagée dans la profession. Selon la même consultation, 88 % des agriculteurs se disent prêts à réduire l’usage de produits phytosanitaires si des alternatives et un accompagnement technique sont mis en place. 91 % envisageraient de recourir davantage aux engrais organiques.

L’adaptation passe aussi par le choix de cultures plus résilientes : variétés moins gourmandes en eau, rotations intégrant davantage de légumineuses, semis sous couvert, diversification pour limiter les risques liés aux ravageurs. La crise hydrique de 2022-2023 et les sécheresses récurrentes ont montré la vulnérabilité de certaines productions et la nécessité d’accompagner l’adaptation au changement climatique.

Il faut que les pouvoirs publics soutiennent les investissements dans ces alternatives, renforcent la recherche et la formation, et fixent des objectifs clairs de réduction des intrants et de la consommation d’eau. L’accompagnement technique doit permettre aux exploitations de franchir le pas sans craindre une perte de compétitivité immédiate.

Régénérer la nature : sols vivants, haies, biodiversité

Au-delà de la réduction des pressions, les agriculteurs sont conscients de la nécessité de restaurer les écosystèmes. Les haies, par exemple, jouent un rôle majeur pour la biodiversité, l’eau et la lutte contre l’érosion. Pourtant, la France continue d’en perdre chaque année. Le « Pacte en faveur de la haie », doté de 110 millions d’euros, vise à inverser cette tendance dès 2024, selon LPO.

La dégradation des sols est également alarmante : à l’échelle mondiale, 75 % des terres sont déjà dégradées, selon l’Unesco (Le Monde). En France, des pratiques comme la couverture permanente des sols, l’agroforesterie, ou le retour aux systèmes polyculture-élevage apparaissent comme des leviers essentiels pour restaurer la fertilité et renforcer la résilience.

Il faut que l’État fixe des objectifs nationaux de régénération écologique en hectares de haies replantées, en surfaces couvertes, en augmentation de la biodiversité fonctionnelle et accompagne financièrement les agriculteurs qui s’y engagent. Des mesures stables et visibles sur le long terme donneront la confiance nécessaire pour investir dans ces pratiques régénératrices.

Trois priorités pour un nouvel élan agricole

Les attentes du monde agricole ne sont pas abstraites : elles s’articulent autour de trois exigences claires.

  • Répartir plus équitablement la valeur pour sécuriser les revenus.
  • Réduire la pression sur les ressources naturelles en développant des pratiques économes et adaptées.
  • Régénérer les écosystèmes agricoles pour restaurer la biodiversité et la résilience des sols.

Il revient à nos dirigeantes et dirigeants politiques de transformer ces axes en objectifs concrets, financés et suivis, pour faire de la France un modèle d’agriculture durable, capable de nourrir tout en préservant l’avenir. N’hésitez pas à nous contacter afin d’échanger sur ces thématiques.