L’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN), acté en 2021 par la loi Climat et Résilience vise un solde neutre entre artificialisation des sols et renaturation – c’est-à-dire la restauration de leur fonctionnalité – à partir de l’année 2050. Cette démarche vise à limiter l’extension urbaine et conserver les fonctions biologiques, hydrologiques, climatiques et agronomiques des sols du territoire. En 2020, nous identifions déjà 10 enjeux de l’objectif Zéro Artificialisation Nette. Où en est-on aujourd’hui ?

2022 : une année de clarification réglementaire ?

L’année 2022 fut chargée en annonces et polémiques concernant les modalités réglementaires de l’objectif ZAN. Un décret – dit nomenclature – paru en avril dernier précise les huit différentes catégories de surfaces à comptabiliser en artificialisées et non-artificialisées à partir de 2031. Basée sur l’outil cartographique OCS-GE (Occupation et Couverture des Sols à Grande Échelle) produit par l’IGN et généralisé à l’échelle nationale à horizon 2024, cette classification a soulevé de nombreuses interrogations. En première ligne, le sujet des surfaces végétales non-ligneuses – autres que forêts ou bois – à usage résidentiel, secondaire, tertiaire ou d’infrastructure considérées comme artificialisées. Ce choix attribue ainsi les parcs et jardins dans cette catégorie et limite leur planification à moyen terme et a fait couler beaucoup d’encre.

La territorialisation du ZAN a été initiée à travers un outil de dialogue entre les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et les régions : les conférences des SCoT. Pour rappel, l’objectif de réduction de 50% de la consommation des ENAF (Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers) sur 2021-2031, doit être traduit par les régions en 2024. Une territorialisation de ces objectifs permettra aux SCoT de rentrer en conformité pour 2026, puis une modification des règlements des PLUi et PLU devra être effectuée à horizon 2027.

Figure 1 : Schéma de la territorialisation du ZAN (calendrier prévu à ce jour)

 

D’autres points de frustration ont été soulevés par les collectivités cette année :

C’est dans ce contexte qu’une proposition de loi du Sénat et qu’un décret sur la renaturation ont été publiées en décembre dernier.

Une proposition de loi contrastée du Sénat pour les communes

Une mission conjointe de contrôle (MCC) sur le ZAN a émis une proposition de loi sur le ZAN le 14 décembre 2022. De manière générale, cette proposition de loi vise à redonner plus de pouvoir aux communes et intercommunalités dans le dialogue et l’application des objectifs de réduction de l’artificialisation nette. Parmi les points les plus remarquables, une inclusion des communes et EPCI dans les conférences des SCoT, renommées “conférences régionales du ZAN” pour l’occasion, a été discutée. Cependant, cette proposition est accompagnée d’une prolongation des délais d’un an pour l’adaptation des règlements des documents d’aménagement et d’urbanisme. Ceci a pour conséquence de repousser la date butoir de mise en conformité des PLU et PLUi à 2028, soit trois ans seulement avant la date-objectif pour une réduction de 50% de la consommation des espaces NAF (Naturels, Agricoles et Forestiers). Si un suivi par d’autres collectivités ou l’Etat déconcentré n’est pas assuré, un risque de dépassement de l’objectif pour 2031 nous semble fortement probable.

La MCC propose aussi aux communes d’avoir accès à la mutualisation régionale de certains projets, ou encore de mettre en place une “part réservée” aux projets d’intérêt territorial hors part territorialisée. Ceci a pour but de laisser une marge de manœuvre aux communes dont le budget d’artificialisation serait trop faible pour permettre l’émergence de projets structurants. Selon nous, ces marges de manœuvre ne doivent cependant pas continuer à encourager la construction de zones commerciales ou d’activités ne servant pas l’intérêt général ou ayant d’autres impacts néfastes : augmentation du trafic (et donc des émissions de gaz à effet de serre et pollutions induites), désertification des centres-bourgs…  Dans une logique similaire de réponse aux frustrations des petites communes, un plancher de « 1 hectare minimum à artificialiser » est proposé pour la période 2021-2031, permettant aux communes ayant peu artificialisé (moins de 2 hectares) sur la période précédente, de pouvoir leur laisser une marge de manœuvre. Cette proposition concerne en réalité 14 820 communes, soit 43% du total français  en se basant sur la base de données d’artificialisation du CEREMA obtenue à partir des fichiers fonciers. L’instauration de ce plancher permet ainsi une répartition plus équitable du budget foncier entre les communes, tout en ne diminuant pas la part attribuée à l’EPCI ou au SCoT concerné dans la territorialisation.

D’autre part, il est proposé de considérer les parcs et jardins comme espaces non artificialisés afin d’encourager un urbanisme de protection de ces espaces. Ceux-ci sont primordiaux pour la nature en ville, la lutte contre les îlots de chaleur urbain et parfois pour certains corridors écologiques. La diversité des espaces concernés remet néanmoins en question la binarité de l’application de la nomenclature artificialisée / non-artificialisée. En effet, certains jardins d’agrément, avec une faible épaisseur de dalle, n’ont aucun intérêt écologique alors que d’autres parcs, à fort taux de matière organique, peuvent contribuer à une vraie plus-value environnementale urbaine. En complément, des périmètres de densification à intégrer dans les documents d’urbanisme sont suggérés afin de ne pas considérer comme artificialisation toute construction dans ces zones stratégiques. Si la volonté de renforcer la densification se comprend, celle-ci doit tout de même être freinée en raison :

  • de l’énergie et les ressources qu’elle consomme,
  • et de son impact néfaste sur la résilience de nos villes (notamment îlots de chaleur urbain et l’imperméabilisation).

En outre, la mission encourage les actions de préservation du foncier via une proposition de droit de “sursis à statuer ZAN” ou de “préemption ZAN” pour les communes et EPCI, pouvant leur permettre de s’opposer aux projets abusifs. Si cela peut permettre de prime abord une conservation d’espaces non artificialisés, ce droit peut constituer une menace au développement de projets en lien avec la transition écologique dans les territoires réfractaires (aménagements cyclables, production d’énergie renouvelable) et devrait donc être surveillé. Enfin, ces droits sont complétés par une volonté d’intégrer la renaturation effectuée dès 2021 (contre 2031 actuellement), dont les modalités sont précisées par le décret du 27 décembre 2022.

La renaturation au cœur du dernier décret

Le décret n° 2022-1673 paru le 27 décembre 2022 a pour ambition d’apporter une vision à plus grande échelle des projets de renaturation, notamment ceux en lien avec le ZAN, en améliorant la planification de ces projets dans les documents d’urbanisme (SCoT, PLUi).

Ce décret donne aux SCoT la faculté d’identifier au sein du Document d’Orientation et d’Objectifs (DOO), des zones préférentielles pour la renaturation, par la transformation de sols artificialisés en sols non-artificialisés, en lien avec l’objectif de protection de la biodiversité, des continuités écologiques et de la ressource en eau. Ces zones préférentielles pour la renaturation sont localisées par les documents graphiques. Le décret porte également sur les PLUi, en prévoyant que certaines Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP) puissent désormais porter sur la renaturation de quartiers ou de secteurs.

Le texte rappelle que les mesures de compensation, de la séquence Eviter-Réduire-Compenser, dues par un projet sur un territoire, doivent être mises en œuvre en priorité sur le site endommagé. En cas d’impossibilité, elles sont réalisées prioritairement dans les zones de renaturation préférentielle, selon le principe de proximité, dès lors qu’elles sont compatibles avec les orientations de renaturation de ces zones et que leurs conditions de mise en œuvre sont techniquement et économiquement acceptables.

Ce nouveau fonctionnement devrait apporter une vraie plus-value, en permettant d’une part de combiner les initiatives des collectivités et des aménageurs privés, et d’autre part d’avoir une meilleure cohérence des actions de renaturation à l’échelle d’un territoire. En effet, grâce à l’identification de zones préférentielles pour la renaturation, une stratégie concrète de renaturation pourra être établie en ayant une vision à grande échelle et plus seulement à l’échelle d’un projet. Il nous paraît essentiel que des objectifs cohérents de renaturation soient ainsi portés à l’échelle territoriale, en incluant ces zones dans un écosystème au fonctionnement plus global.

Le ZAN : un outil de sauvegarde de la biodiversité ?

De manière générale, les questions de l’artificialisation des sols et de l’aménagement du territoire sont au cœur des enjeux de transition écologique. L’organisation territoriale représente une opportunité pour accélérer la transition dans nos territoires, ou alors être démonstratrice d’une continuité politique qui n’est pas en phase avec l’urgence d’agir. C’est pourquoi, à BL évolution, nous suivons de près les sujets du ZAN, en préconisant avant tout un objectif de Zéro Artificialisation Brute (ZAB), questionnant la répartition du foncier existant et en cherchant l’utilité sociétale des projets d’aménagement (voir notre étude Projet local, Impact global). En effet, le changement d’usage des sols étant le premier facteur d’érosion de la biodiversité, il est urgent de se saisir de l’objectif ZAN pour une politique de réduction de consommation d’espace qui soit à la hauteur des enjeux environnementaux.