La nature s’impose aujourd’hui comme un sujet stratégique pour le monde financier. Jusqu’ici reléguée aux marges des politiques RSE ou à des engagements philanthropiques, la nature entre désormais dans le cœur des décisions financières à travers les modèles de risques, les due diligence et la prise en compte des attentes des parties prenantes.

Mais cette montée en puissance s’accompagne encore de quelques pièges. Ce n’est pas tant un manque de volonté qu’un manque de repères : la biodiversité reste pour beaucoup un sujet complexe, difficile à traduire en leviers d’action concrets. Résultat, entre approches superficielles ou stratégies à court terme, certains pièges freinent une intégration efficace de ces enjeux.

Voici les 5 pièges les plus fréquents que les équipes de BL évolution rencontrent chez acteurs financiers lors de missions de conseil en biodiversité, et comment les éviter.

Piège 1 : Réduire la biodiversité à la seule conservation de la nature

Pourquoi l’approche biodiversité est plus large ?

Une vision réductrice de la biodiversité cantonne l’enjeu à un sujet périphérique, relevant de la communication, du mécénat ou d’actions réservées aux ONG ou aux gestionnaires d’espaces naturels, laissant entendre que la nature serait sans lien direct avec l’économie. Or, la biodiversité influence directement la disponibilité des ressources, la stabilité des activités et des chaînes d’approvisionnement ou la régulation des risques et des phénomènes physiques (régulation du climat, approvisionnement en eau, érosion, etc.).

Ignorer ces interdépendances, c’est décider d’ignorer des risques physiques liés à la nature, réels et croissants pour de nombreux secteurs.

Notre proposition d’approche à adopter

Il est essentiel de considérer la biodiversité non pas comme un sous-sujet environnemental, mais comme un enjeu global et transverse et comme un facteur de risque et de résilience. Cela signifie identifier où les entreprises dépendent du vivant, comment elles s’exercent leurs pressions sur les écosystèmes et comment cela peut se traduire en coûts, pertes d’activité, conflits d’usage ou arbitrages réglementaires.

 

Piège 2 : Attendre d’avoir “le bon indicateur unique” pour agir

Pourquoi c’est souvent une excuse à l’inaction ?

Pour certains, l’absence de données standardisées justifie de paralyser l’action. Cependant, en matière de nature, les données sont hétérogènes et parfois incomplètes. Attendre la disponibilité de données parfaites signifie repousser l’action à demain et rester passif face à une érosion de la biodiversité qui s’accélère et menace l’ensemble du tissu économique mondial. Les acteurs qui se lancent dans des démarches nature avec les données, méthodologies et cadres actuels construisent une courbe d’apprentissage utile, crédibilisent leur stratégie et influencent la résilience des entreprises.

Notre proposition d’approche à adopter

Il existe déjà des outils et cadres méthodologiques concrets permettant de travailler et d’avancer sur les différents sujets, tels que des outils d’analyse de matérialité (ENCORE, Empreinte biodiversité, SMT du SBTN, etc.) et des cadres volontaires et réglementaires qui permettent de structurer les démarches (TNFD, SBTN, CSRD, etc.). L’enjeu est de construire une feuille de route nature progressive et adaptée. Cette approche permet de monter en maturité tout en restant aligné avec l’évolution des métriques et méthodologies, pour garder une approche évolutive.

 

Piège 3 : Se focaliser uniquement sur les impacts, en oubliant les dépendances

Pourquoi c’est risqué ?

De nombreuses stratégies ESG se concentrent aujourd’hui sur les impacts des entreprises sur la nature (pollutions, artificialisation, déforestation, etc.). C’est une étape essentielle, mais qui est malheureusement insuffisante. Les risques financiers proviennent également, et de plus en plus fréquemment, des dépendances aux services écosystémiques (disponibilité en eau, fertilité des sols, résilience climatique, etc.) et ressources naturelles.

Notre proposition d’approche à adopter

Passer à une approche complète de double matérialité nature avec une vision globale sur les impacts directs ou indirects sur les écosystèmes, mais aussi sur les services écosystémiques nécessaires au fonctionnement et à la protection des activités de l’entreprise. C’est cette lecture croisée qui permet d’identifier les risques mais aussi de déployer une stratégie résiliente et crédible.

 

Piège 4 : Appliquer une grille climat à la biodiversité

Pourquoi c’est inadapté ?

Face à un nouveau sujet, la tentation est forte de vouloir reproduire les logiques existantes et qui on fait leur preuve pour le domaine climatique : équivalents carbone unique, compensation, objectif global etc. Or, la biodiversité est locale, complexe, multifactorielle et non substituable. Cela doit nous amener à rebattre les cartes à et développer des modes de pensée et d’action qui soit spécifiques et cohérents.

Notre proposition d’approche à adopter

Il faut changer de prisme : accepter que les solutions soient multifactorielles, travailler à des échelles territoriales ou sectorielles et reconnaître que certaines atteintes à la biodiversité sont définitives. La performance repose d’abord sur la réduction des pressions et la gestion des dépendances. Le vivant oblige à penser autrement : pas en tonnes-équivalent évitées ou compensées, mais en intégrité des écosystèmes et de leurs équilibres dynamiques. Quand la biodiversité s’éteint, il n’existe pas d’équivalent ou de compensation ailleurs.

 

Piège 5 : Sous-estimer l’effet d’entraînement des acteurs financiers

Pourquoi c’est un problème ?

Beaucoup d’acteurs financiers pensent qu’ils sont trop éloignés de la nature ou trop petits pour avoir un effet. Pourtant, leurs choix orientent les flux financiers et influencent les entreprises financées. En sous-estimant leur rôle, ils ratent une occasion de structurer et d’orienter la transformation nécessaire de l’économie et des entreprises.

Notre proposition d’approche à adopter

Même sans “produit nature” dédié, les acteurs financiers ont un rôle clé à jouer. Des leviers peuvent être actionnés en :

  • Formant les équipes sur les enjeux nature
  • Intégrant la biodiversité dans les analyses et les notations
  • Inscrivant les enjeux nature dans le dialogue actionnarial, les politiques d’exclusion et les stratégies d’engagement
  • Contribuant à l’évolution des standards de performance, de rentabilité et de gestion des risques à moyen et long-terme

C’est un secteur levier qui peut facilement accélérer la mobilisation de l’ensemble des entreprises et acteurs économiques.

 

A vous de passer à l’action !

Comprendre les pièges c’est permettre de les éviter, c’est faire le premier pas vers une démarche nature plus stratégique, plus cohérente et plus impactante. Pour les acteurs financiers, la nature n’est pas une contrainte de plus, mais une grille de lecture puissante pour mieux gérer les risques et identifier les opportunités soutenables.

Ces enjeux sont nouveaux et probablement complexes, et c’est précisément pour cela que notre équipe accompagne les acteurs financiers : transformer les pièges en leviers et faire de la prise en compte de la nature non plus un fardeau mais un moteur clair et puissant de performance stratégique et opérationnelle. Et ainsi participer à l’inversion de la courbe de l’érosion de la biodiversité !

Pour aller plus loin sur ce sujet :