4 ans après l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance, comment les entreprises concernées s’approprient-elles cette nouvelle obligation ? Adoptée en 2017, cette loi avait marqué un tournant dans la prise en considération de la responsabilité sociétale par les entreprises françaises de plus de 5 000 salariés en les obligeant à rédiger un rapport annuel expliquant de quelle manière elles identifient et prennent en considération les risques inhérents à l’entreprise.

Les plans de vigilance passés au crible

Selon l’étude du FIR (Forum pour l’Investissement Responsable) et A2 Consulting, en 2020, le devoir de vigilance n’est pas encore totalement maîtrisé. Si elles ont progressé dans la cartographie des risques, la mise en place d’actions concrète et l’évaluation de leurs résultats est à renforcer.

On note par ailleurs des méthodologies de cartographie des risques qui ne sont pas toujours communiquées, l’absence de référentiel de risques ou encore un manque de remontée d’indicateurs de résultats dans la chaîne d’approvisionnement.

Schneider Electric, vainqueur inspirant du prix du devoir de vigilance

Le prix du meilleur plan de vigilance a été attribué à Schneider Electric. Il apparaît ainsi que l’entreprise se distingue grâce à de bonnes pratiques pouvant en inspirer d’autres. En premier lieu, le plan de vigilance de Schneider Electric est séparé de son URD (Document d’Enregistrement Universel) et représente une trentaine de pages, détaillant le plan d’action de l’entreprise.

De plus, la méthodologie de cartographie et d’évaluation des risques est clairement structurée et détaillée :

  • Les risques sont séparés en 5 catégories
  • Ils sont localisés au sein de la chaîne de valeur : internes, sous-traitants et fournisseurs
  • Ils sont évalués sur une échelle de 4 niveaux (faible, moyen, élevé, très élevé)

Le plan d’action comporte des actions spécifiques concernant les sites de Schneider, les fournisseurs et les sous-traitants.

Enfin, un processus a été mis en place afin de mieux communiquer sur les risques :  une « Green line », c’est-à-dire un dispositif d’alerte, a été instauré pour les parties prenantes externes.  En pratique, cet outil permet aux fournisseurs, ONG, actionnaires et autres partenaires de signaler à l’entreprise toute action de corruption, de vol ou encore de fraude.

Ainsi, l’atout de ce plan de vigilance est une prise en compte précise des fournisseurs et sous-traitants.

Une application de la loi encore timide

Si certaines entreprises se plient à leurs obligations légales, force est de constater que toutes les entreprises concernées n’ont pas encore réalisé l’exercice. En effet, l’opacité des données privées ne permet pas de dresser avec exactitude le nombre d’entreprises concernées par cette obligation légale. Cependant, même en dressant une liste non exhaustive de ces entreprises, le Radar du devoir de vigilance dénombre 72 entreprises n’ayant pas publié de plan sur 265 entreprises recensées en 2020.

L’attente d’une harmonisation européenne

La France a été la première à mettre en place une telle loi dans l’Union Européenne. Après avoir été suivie par les Pays-Bas, il est aujourd’hui question d’étendre cette pratique à tous les pays de l’Union. Ainsi, le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a annoncé en avril dernier l’introduction pour 2021, après une consultation publique, d’une proposition législative afin de généraliser le devoir de vigilance aux pays de l’Union Européenne. Cette proposition obligerait en effet les entreprises européennes à assurer un contrôle du respect des droits de l’homme et des atteintes à l’environnement dans leurs chaînes d’approvisionnement. Cette ‘résolution d’initiative’ sur la base de l’article 225 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) devrait s’inspirer de la loi française de mars 2017 sur la loi de vigilance et être présentée dans le cadre du plan de travail 2021 de la Commission et du « Green Deal » européen.

Dans ce contexte, la France apparaît ainsi comme pionnière en matière de responsabilité sociétale, comme ce fut également le cas dans la mise en place de la DPEF française, suivie par la NFRD au niveau européen. Quoi qu’il en soit, l’harmonisation doit encore avoir lieu et Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères, attend qu’une directive sur un devoir de vigilance européen soit réellement adoptée avec un « niveau d’exigence et une ambition au moins équivalente à la loi française ».