Le gouvernement français a publié en mai un projet de loi répondant à deux axes stratégiques : réindustrialiser la France et verdir le secteur dans un objectif global de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Ce projet de loi a été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 21 juillet 2023 après adoption en première lecture par le Sénat le 22 juin 2023. Une commission mixte paritaire est prévue en Octobre 2023 pour s’accorder sur la version finale du texte.

Cette loi se compose de 15 mesures phares permettant de : 

  • faciliter l’implémentation d’usines de production,
  • soutenir financièrement le verdissement des entreprises grâce à des aides publiques (par exemple pour des projets de décarbonation), au crédit d’impôt et la création de nouveaux fonds privés destinés à financer l’industrie verte,
  • favoriser les entreprises vertueuses au sein de la commande publique et conditionner certaines aides financières à un niveau d’engagement de réduction de l’empreinte environnementale
  • renforcer la formation et l’attractivité de l’industrie.

 

L’industrie représente aujourd’hui 18% des émissions françaises de gaz à effet de serre, soit 76 MtCO2e par an sur la période 2019-2021. Ce projet de loi a pour but de réduire de 41 MtCO2e ces émissions annuelles d’ici 2030, soit une réduction de 55% (en ligne avec les objectifs globaux européens). 

 

Néanmoins, augmenter la production industrielle en France ne peut se faire que sous certaines conditions dont les facteurs posent des défis considérables si l’on souhaite réussir la transition écologique :

1. Construction de nouveaux sites industriels

Afin de limiter l’artificialisation des sols (objectif Zéro Artificialisation Nette), l’objectif de ce plan est, entre autres, de mettre à disposition un certain nombre de friches industrielles et de faciliter la conversion d’anciennes friches en nouveaux sites grâce à des financements de la Banque de Territoires. Bien que l’objectif soit de créer des incitations au niveau national, les projets seront gérés au niveau local et il est indispensable que les directives soient bien appliquées. De plus, le plan repose également en partie sur la transformation d’anciennes zones commerciales pour y implanter de nouveaux sites industriels. Ces transformations doivent non seulement s’intégrer dans des stratégies globales de transformation de l’urbanisme, mais également permettre une accessibilité en transports bas-carbone, notamment le vélo et les transports en commun, ainsi que favoriser la biodiversité locale.

2. Augmentation du besoin en énergies (bas-carbone) pour l’industrie

Un rapatriement de la production au sein du territoire français implique d’allouer plus d’énergie aux outils industriels. Des investissements importants seront nécessaires pour augmenter l’efficacité énergétique des usines afin de limiter l’énergie nécessaire par produit et le plan prévoit des aides financières. Mais il est surtout indispensable de faire preuve de sobriété énergétique au niveau national (tous secteurs confondus) afin de permettre justement à l’industrie de se développer sans augmentation globale des consommations d’énergie. D’ailleurs, le choix des types d’industrie qui seront soutenues est crucial – le projet de loi ne donnant malheureusement pas de définition précise de ce qu’est l’industrie verte. Assurons-nous de soutenir uniquement les industries les plus essentielles répondant à des besoins réels de mode de vie sobre et bannissons les secteurs gadgets. 

3. Augmentation du besoin en matières premières (bas-carbone) 

L’extraction et la transformation des matières premières sont souvent l’un des premiers postes dans un bilan carbone d’une entreprise industrielle. Une réelle traçabilité est nécessaire, d’une part, pour assurer la décarbonation des matières premières, par exemple lorsqu’il s’agit d’incorporation de matière recyclée dans les matières premières achetées. Puis également sur la provenance des composants pour s’assurer que l’ensemble des éléments de la chaîne logistique soit décarboné (d’autant plus qu’il n’est pas possible de trouver en France l’ensemble des matières premières nécessaires à la production de nos usines).

Il sera également nécessaire de mettre en cohérence les prix avec ceux des produits ou matières importés afin de favoriser une production locale issue de ces nouvelles usines et avec une énergie bas-carbone. Le risque est en effet que les produits moins carbonés continuent à coûter plus cher que les alternatives à fort impact carbone, car la décarbonation nécessite des investissements conséquents. 

Un autre enjeu majeur,qui prendra de plus en plus d’ampleur, est la disponibilité des matières premières. Afin de réduire les risques liés à la criticité de certains matériaux, il est nécessaire de développer l’économie circulaire et de réutiliser ce que nous considérons aujourd’hui comme un déchet. Cela permettra également de réduire les externalités négatives en aval (enfouissement de déchets, dispersion de micro-plastiques, pollutions de l’air, de l’eau et des sols …). On peut se réjouir des discussions qui ont eu lieu la semaine dernière sur la sécurisation d’approvisionnement de matériaux critiques ; mais il faut mettre au centre de la stratégie la sobriété dans les besoins de matériaux.

4. Verdissement du fret 

30% des émissions françaises liées au transport dont environ la moitié au transport de marchandises. Il y a un enjeu considérable à développer massivement à la fois des solutions de verdissement du fret (par exemple : l’électrification des porteurs et les carburants alternatifs), et des modes alternatifs au transport routier, tels que le rail et le ferro-routage, pour réduire les émissions et la (très) forte dépendance au pétrole.

5. Qualification des travailleurs

Afin de rapatrier plus d’activité industrielle en France, il est nécessaire d’avoir suffisamment de main d’œuvre qualifiée, disponible et motivée. Cela doit donc passer par la formation des jeunes, mais aussi l’accélération massive de la reconversion des travailleurs actuels car nous avons besoin de main d’œuvre dès aujourd’hui. Nous pouvons craindre que la disponibilité de la main d’œuvre soit un goulot d’étranglement de tous les projets de transition écologique et que cela freine les transformations alors que les financements sont disponibles.

6. Vision long-terme sur les business models des entreprises 

Afin de réellement décarboner nos modes de vie et notre pays, il est nécessaire d’accélérer la production de biens permettant d’éviter des émissions de gaz à effet de serre (industrie du vélo, transports en commun, isolation thermique…), de prolonger la durée de vie des produits déjà sur le marché (afin de réduire la fréquence de fabrication, sauf si le remplacement permet sur le long-terme un bénéfice environnemental), et d’augmenter fortement l‘économie circulaire pour limiter l’extraction des ressources. Ainsi, de nouveaux modèles d’affaires sont à créer – par exemple en suivant la méthodologie ACT Pas-à-Pas de l’ADEME – qui nécessitent également un plan stratégique plus global pour exister (voire un nouveau modèle de société). Pour aller plus loin : aller vers des modèles régénératifs des écosystèmes naturels.

 

Le terme industrie “verte” n’est aujourd’hui pas défini : c’est une porte ouverte à beaucoup d’interprétation qui doit être cadrée. Par exemple, peut-on considérer que la production de SUV en France relève de l’industrie verte ? Evidemment non ! Il est primordial de prendre en compte non seulement la manière dont on fabrique nos produits, mais aussi leurs finalités et leurs usages. Cette loi est également mono-critère : elle est uniquement centrée autour du carbone et prend trop peu en compte les autres enjeux environnementaux et plus largement la préservation et la restauration de la biodiversité. Par exemple, dans le secteur du textile, il existe de forts enjeux sur les méthodes de production des matières premières (notamment sur le coton) qui vont au-delà du carbone : utilisation élevée d’eau, impact des intrants chimiques (pesticides, insecticides, engrais azotés ….).  

Bien que les grandes intentions affichées vont globalement dans le bon sens afin de nous permettre de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, la loi industrie verte possède cependant de nombreux angles morts qu’il conviendrait d’éclaircir et de traiter afin d’éviter un certain nombre d’écueils qui agrandirait la dégradation de la nature, et donc la capacité à long-terme des entreprises et de la société en générale de fonctionner !

 

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