Les acteurs économiques et la société civile avaient jusqu’au 3 Mai 2023 pour participer à la consultation publique sur les critères définissant les activités contribuant aux quatre nouveaux objectifs environnementaux : eau, économie circulaire, pollution et biodiversité. Retour sur les informations clés à retenir de ces nouvelles publications.

 

En quoi consiste la taxonomie Européenne ?

 

La taxonomie européenne est une classification des activités « durables » à destination des acteurs financiers. Son objectif est d’orienter les investissements vers des actions ayant un impact favorable sur l’environnement.

Les activités identifiées dans la taxonomie visent à atteindre 6 objectifs environnementaux :

  • L’atténuation du changement climatique
  • L’adaptation au changement climatique
  • L’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines
  • La transition vers une économie circulaire
  • La prévention et la réduction de la pollution
  • La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes

Enfin, chaque activité doit répondre à un certain nombre de critères techniques pour être considérée éligible.

La taxonomie a été adoptée une première fois par l’Union Européenne en 2020, la première version se concentrant uniquement sur les activités contribuant à l’atténuation et l’adaptation au changement climatique[1]. Elle est depuis mise à jour régulièrement pour modifier la liste des activités éligibles. En 2022, la Commission européenne avait notamment inclus le gaz fossile et le nucléaire dans les activités éligibles, générant de nombreux débats[2]. Quatre ONG[3] ont notamment porté un recours formel en avril 2023 auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne, arguant que l’inclusion de ces activités allait à l’encontre des recommandations scientifiques de l’UE[4].

Dans ce contexte mouvementé, la Commission Européenne a publié en avril 2023 la liste des activités correspondant aux quatre autres objectifs de la taxonomie, à savoir l’eau, l’économie circulaire, la pollution et la biodiversité.

Ces publications étaient ouvertes à la consultation jusqu’au 3 mai 2023. Les commentaires reçus seront examinés au sein de la Commission Européenne, et le texte devrait être adopté avant la fin de l’année 2023.

 

Quels sont les principaux secteurs concernés par chacun de ces quatre nouveaux objectifs ?

 

Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines

 

Parmi les nouveaux objectifs environnementaux, la taxonomie identifie les activités contribuant de manière substantielle à l’utilisation durable de l’eau et des ressources marines. Les activités identifiées concernent surtout les systèmes de gestion de l’eau. On trouve notamment :

  • Les technologies de contrôle et réduction des fuites dans les systèmes d’eau
  • La construction, l’extension, l’opération et le renouvellement de systèmes de collecte et traitement d’eau pour la consommation humaine
  • Les infrastructures d’eaux usées urbaines, dont usines de traitement, égouts, structures de gestion des eaux de pluies, etc. Cette catégorie inclut aussi les activités innovantes de traitement, dont le traitement des micropolluants
  • Les systèmes de drainage urbains, pour gérer les risques de pollutions et d’inondations dues au ruissellement urbain
  • Les activités de technologies d’information ou de pilotage pour contrôler, gérer et réduire les fuites dans les systèmes d’eau

On note également l’inclusion des solutions fondées sur la nature dans cette partie de la taxonomie. En effet, sont inclues les solutions basées sur la nature ayant comme objectif d’éviter et protéger contre les inondations ou les sécheresses, mais aussi de restaurer les écosystèmes humides, et d’améliorer les services écosystémiques de retenue d’eau, favorisant la biodiversité et améliorant la qualité de l’eau.

 

Transition vers une économie circulaire

 

Dans l’annexe II de cette taxonomie, on retrouve les critères déterminant si une activité économique peut être considérée comme contribuant à la transition vers une économie circulaire (ECi). Ce volet est le plus conséquent des quatre objectifs environnementaux, puisqu’il comporte le plus grand nombre d’activités économiques éligibles, telles que :

  • La fabrication de produits d’emballage en plastique ou d’équipements électriques et électroniques (EEE)
  • La gestion des déchets de la collecte jusqu’à leur valorisation (biodéchets, déchets dangereux et non dangereux)
  • La distribution de l’eau et son assainissement
  • La dépollution des produits en fin de vie
  • La construction, la rénovation et la démolition des bâtiments
  • Le numérique
  • La réparation, la vente de pièce détachées et de biens d’occasion, les services ainsi que l’échange de biens en vue d’une réutilisation

Pour rappel, l’ensemble de ces activités sont dites vertes seulement si elles respectent les critères techniques qui les caractérisent dans cette annexe. Cela peut se traduire par exemple par la réalisation de plans de gestion, l’évaluation de la qualité et de la quantité de certains déchets, l’utilisation d’un pourcentage défini de biomatériaux ou encore la mise en œuvre d’indicateur clés de performance.

On retrouve dans la taxonomie de nombreux enjeux liés aux piliers de l’économie circulaire définis par l’ADEME, notamment la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie du produit, la réparation et le réemploi, ainsi que la gestion des déchets jusqu’à leurs valorisations. La taxonomie privilégie également les services, l’échange et le prêt plutôt que la possession des biens.

Enfin, elle prend également en compte le transport des matériaux réutilisés ou recyclés en évaluant l’impact du trajet afin d’éviter que l’utilisation de celui-ci n’entraîne une augmentation des émissions de CO2.

 

Prévention et contrôle de la pollution

 

La liste des activités contribuant à l’objectif de la prévention et contrôle de la pollution comprend deux grandes catégories :

  • le secteur pharmaceutique
  • le traitement des déchets dangereux.

Pour être éligibles, les activités du secteur pharmaceutique doivent répondre à des critères techniques en lien avec l’utilisation d’ingrédients issus de substances naturelles ou qui sont classés comme facilement biodégradables.

Cette inclusion semble répondre à un objectif de promouvoir ce type de compositions au sein de l’industrie. En suivant cette même logique, on peut cependant s’interroger sur l’absence de certaines activités pour des secteurs tels que le transport ou le textile, qui apparaissaient dans les travaux antérieurs de la Taxonomie sur le sujet.[5]

Les autres secteurs éligibles sur le volet pollution se concentrent sur le traitement des déchets dangereux, dans une logique de prévention et réduction des émissions de polluants dans la phase de fin de vie des produits et de dépollution. On y retrouve les activités suivantes :

  • Collecte, transport et traitement des déchets dangereux
  • Réhabilitation des décharges légalement non conformes et traitement des décharges abandonnées ou illégales
  • Dépollution de sites et zones contaminés

Le choix semble avoir été de se concentrer ici sur les déchets qui représentent le risque le plus élevé pour l’environnement et la santé humaine, d’autant plus que le traitement des déchets non dangereux et la pollution de l’eau sont abordés via les autres volets.

 

Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes

 

La quatrième et dernière annexe publiée couvre les activités considérées comme participant à la protection et restauration de la biodiversité. Deux groupes d’activités distinctes y figurent.

Assez logiquement, on y retrouve tout d’abord les activités de conservation des habitats, des écosystèmes et des espèces. Un certain nombre de garanties sont demandées dans les critères techniques : description détaillée de l’état écologique initiale de la zone, présence d’un plan de gestion et d’audits indépendants, ou encore des engagements démontrés sur la pérennité de l’action mise en place.

Sont exclues pour l’instant de la taxonomie les activités de conservation qui sont uniquement dédiées à des mécanismes de compensation écologique, qui ne participent pas à la nécessité d’infléchir la courbe d’évolution de la biodiversité.

Le secteur de l’hébergement touristique est également inclus dans cet objectif, semble-t-il dans une logique de renforcer l’implication de ce secteur dans les activités de conservation et restauration dont une partie dépend pour sa pérennité.

Les critères d’éligibilité pour ce secteur incluent des engagements contractuels et des contributions financières envers des actions de conservation, la présence de plans de gestion pour contribuer à la restauration de la nature et des certifications environnementales pour les matières consommées dans l’hébergement en question.

 

Des interrogations sur l’absence de certains secteurs

 

On peut regretter que certaines activités ne soient pas inclues dans la taxonomie pour les 4 nouveaux objectifs environnementaux. Pour la pollution par exemple, il aurait été intéressant d’intégrer également des activités contribuant à la prévention et au contrôle d’autres types de pollutions, notamment lumineuse et sonore, particulièrement impactantes pour la biodiversité. Quelques catégories manquent également à l’appel pour l’économie circulaire comme l’alimentation, le textile et l’ameublement, qui sont des secteurs à fort impact matériels. Ces secteurs consomment de nombreuses ressources et certaines pratiques existent pour réduire leur impact et pourraient à ce titre être valorisées par la Taxonomie.

Certaines activités semblent également avoir été remises à plus tard, l’acte citant notamment l’agriculture, la pêche et le secteur forestier, mais le document technique justifiant de la priorisation de certains secteurs n’est malheureusement pas encore rendu public.

 

Quelles évolutions pour la taxonomie ?

Au-delà des évolutions de la liste des activités alignées avec la taxonomie, la création de taxonomies complémentaires est aussi à l’étude. En particulier, l’idée d’une taxonomie « brune » identifiant les activités considérées comme néfastes pour l’environnement est à l’étude. De même, la création d’une taxonomie sociale est aussi envisagée, par exemple pour identifier les activités économiques respectant les droits humains et l’inclusion des populations défavorisées[6].

En France, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) plaide pour que la taxonomie Européenne serve de référentiel pour identifier les activités dites « durables » au sens du règlement européen SFDR. Celui-ci classe les fonds d’investissements en trois catégories :

  • Les fonds « article 6 » sans objectifs d’investissement durable ou de prise en compte des critères sociaux/environnementaux
  • Les fonds « article 8 », prenant en compte les critères sociaux/environnementaux
  • Les fonds « article 9 » ayant des objectifs d’investissement durable

La définition des investissements durables dans la SFDR est actuellement plus large que la taxonomie[7]. L’AMF plaide pour que les fonds « article 9 » soit caractérisés par une part minimale d’investissements alignés sur la taxonomie européenne, ladite part progressant avec le temps [8]

 

Nos équipes sont à votre disposition pour vous aider à vous familiariser avec les exigences de la Taxonomie, étape primordiale pour anticiper les évolutions de la prise en compte par les acteurs financiers de la durabilité de votre secteur et des activités tout au long de votre chaine de valeur.

 

[1] Vie Publique, « Neutralité carbone : la taxonomie européenne en six questions », juillet 2022. https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/283166-neutralite-carbone-la-taxonomie-europeenne-en-six-questions

[2] Greenpeace, “Media briefing: Greenpeace’s legal arguments against including gas and nuclear in the EU Taxonomy”, février 2023. https://www.greenpeace.org/eu-unit/issues/climate-energy/46567/media-briefing-greenpeaces-legal-arguments-against-including-gas-and-nuclear-in-the-eu-taxonomy/?_ga=2.23500274.97565464.1682068048-648093980.1677230847

[3] ClientEarth, WWF’s European Policy Office, Transport & Environment (T&E) et BUND (Friends of the Earth Germany).

[4] Actu Environnement, « Taxonomie : cinq ONG saisissent la justice européenne sur le gaz et le nucléaire », 18/04/2023. https://www.actu-environnement.com/ae/news/taxonomie-europenne-gaz-fossile-nucleaire-recours-ong-cjue-commission-41597.php4

[5] Platform on Sustainable Finance : Technical Working Group  : Part A: Methodological report, Mars 2022. https://finance.ec.europa.eu/system/files/2022-04/220330-sustainable-finance-platform-finance-report-remaining-environmental-objectives-taxonomy_en.pdf

[6] Groupe BPCE, « Décryptage de la taxonomie européenne [épisode 1] », février 2022. https://groupebpce.com/toute-l-actualite/actualites/2022/decryptage-de-la-taxonomie-europeenne-episode-1

[7] Autorité des Marchés Financiers (AMF), « Finance durable : bien comprendre la Taxonomie et le règlement SFDR pour exprimer vos préférences », octobre 2022. https://www.amf-france.org/fr/espace-epargnants/comprendre-les-produits-financiers/finance-durable/faire-un-placement-durable/finance-durable-bien-comprendre-la-taxonomie-et-le-reglement-sfdr-pour-exprimer-vos-preferences

[8] L’Info Durable, « L’AMF entre dans le débat sur les articles 8 et 9 », février 2023. https://www.linfodurable.fr/partenaires/ecofi/lamf-entre-dans-le-debat-sur-les-articles-8-et-9-37041