Le 14 avril 2009, Windows XP atteignait sa fin de vie. Microsoft n’assurait plus la diffusion de mises à jour de sécurité au grand public. À cette date, Windows XP représentait encore 72% de parts de marché. Microsoft proposait toujours un support étendu (payant) pour ses clients entreprises jusqu’au 8 avril 2014. Le sujet a été au cœur de beaucoup de préoccupations à l’époque, pour des raisons de cybersécurité liées à l’utilisation continue de Windows XP qui retenait toujours 17% de parts de marché à cette date.
Mais en 2009, ce n’était principalement qu’une question d’inertie liée au fait que Windows XP avait été LE système d’exploitation de référence au moment de l’explosion de l’usage de l’informatique au début des années 2000, et le grand public comme les DSI devaient accepter leur « responsabilité » de mettre à jour leur système d’exploitation pour éviter de rester sur la touche technologique.
Le 14 octobre 2025, Windows 10 atteindra sa fin de vie. Microsoft proposera une année d’Extended Security Update (ESU) pour 30 $ (ou 3 ans à partir de 61 $ la première année pour les clients entreprises, le prix doublant chaque année). Au-delà de cette date, il n’y aura plus de mise à jour de sécurité pour Windows 10.
Quelle différence avec la situation précédente ? Il suffira de mettre à jour vers Windows 11, comme pour toutes les versions précédentes de Windows ?
Non.
Car Windows 11 exige la présence d’une puce TPM 2.0 (Trusted Platform Module) pour être installée sur un PC. Et selon Canalys, analyste de marché dans le domaine de la tech, 240 millions de PC faisant actuellement tourner Windows 10 ne seront pas compatibles avec Windows 11, soit environ un cinquième des PC sous Windows 10.
C’est un choix de la part de Microsoft, qui permettra, sous couvert de sécurité, d’alimenter les ventes de machines Copilot+, au détriment d’impacts environnementaux et sociaux certains.
Un impact environnemental
240 millions de PC rendus obsolètes du jour au lendemain, c’est :
- plus de 40 millions de tonnes d’équivalent CO2 en émissions de gaz à effet de serre, soit un peu moins que les émissions annuelles d’un pays comme le Portugal ou la Norvège,
- plus de 85 millions de piscines olympiques d’eau consommée,
- ou encore 3,2 millions de piscines olympiques de terre excavée (ou 24 fois le poids de la population terrestre)
… pour fabriquer toutes ces machines, ou celles qui devront leur succéder.
Un impact social
Au-delà de l’impact écologique, c’est aussi un impact social, avec la plupart des PC non compatibles avec Windows 11 dans les mains de personnes n’ayant pas nécessairement les moyens d’acheter un nouveau PC compatible Windows 11 (et pas uniquement dans les pays en développement, mais aussi en France) et s’exposant, à ce que les agents malveillants attendent la fin du support de Windows 10 pour exploiter des failles de sécurité « mises de côté » pour l’occasion.
End of 10 : Linux mis en avant comme alternative
Face à cette aberration écologique, l’environnement de bureau GNU/Linux KDE Plasma, dont l’interface est proche de celle de Windows à l’utilisation, a lancé l’initiative End of 10 (soutenue par l’Open Source Initiative, la FSFE ou encore le CNLL) pour promouvoir le fait de migrer les PCs non compatibles avec Windows 11 vers des distributions GNU/Linux, et leur éviter ainsi la décharge tout en leur donnant un potentiel coup de jeune. A titre de comparaison, le noyau Linux a arrêté, seulement en 2025, le support des processeurs Intel 486 sortis au début des années 1990.
Le logiciel, clé de voûte de l’impact matériel du numérique
L’impact de la fin du support de Windows 10 n’est qu’un exemple de la place du support logiciel dans l’impact environnemental du numérique, amplifié par le quasi-monopole de Windows comme système d’exploitation sur les ordinateurs. Cependant, Apple expose ses utilisateurs à une situation similaire : macOS Tahoe, annoncé début juin 2025, sera la dernière version de macOS à supporter les Mac avec une puce Intel, encore en vente jusqu’en 2023. À partir de 2028, il n’y aura plus de mises à jour de sécurité pour les Mac Intel, cinq ans seulement après la fin de la vente des derniers modèles par le constructeur.
Du côté des smartphones, les leaders du marché commencent à s’aligner pour proposer une durée de support plus longue (sept ans pour les derniers modèles de téléphones de Fairphone, Google et Samsung, cinq ans pour Apple), mais l’obsolescence logicielle de la plupart des modèles est un moteur clé de la faible durée de vie des smartphones à l’usage (seulement 27 % de smartphones sont détenus plus de trois ans en France selon le baromètre du numérique 2025, en hausse de 11 points sur quatre ans). La nouvelle réglementation européenne sur l’Ecodesign qui rentrait en vigueur le 20 juin 2025 devrait continuer à améliorer cette tendance, en obligeant les constructeurs à assurer un support logiciel de 5 ans minimum après la date de dernière mise en vente.
Sur ce sujet précis, la balle est dans le camp des constructeurs, que ce soit :
- en fournissant des drivers Linux pour assurer la compatibilité matérielle des équipements vendus,
- en proposant des versions de leurs PC avec Linux préinstallé,
- en proposant une durée de support matériel la plus longue possible sur les smartphones/tablettes Android qu’ils vendent,
- en permettant de déverrouiller le bootloader des smartphones/tablettes qu’ils vendent,
- en proposant des versions de leurs smartphones/tablettes avec des alternatives à Android (e.g. /e/OS, iodéOS) préinstallées.
L’éco-conception ne se limite pas aux matériaux et technologies choisis pour la production des équipements, et à leur réparabilité. Le logiciel est au cœur de la matérialité physique du numérique, et doit être au centre des réflexions pour réduire les impacts sociaux et environnementaux à toutes les étapes du cycle de vie. Et il y a de nombreuses solutions pour entrer dans une démarche de sobriété numérique pour les entreprises.