La 15e Conférence des Parties (COP 15) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) se tiendra à Montréal, du 7 au 19 décembre. Il s’agira d’adopter une feuille de route majeure – « le cadre mondial de la biodiversité pour la nouvelle décennie » – pour « vivre en harmonie avec la nature ». A travers ce cadre post-2020, le but affiché est de stopper la dégradation de la biodiversité avec des objectifs moyen et long-terme aux horizons 2030 et 2050.

Seulement quelques semaines après la 27ème conférence mondiale pour le climat, les attentes autour de son homologue pour la biodiversité sont nombreuses. En effet, la biodiversité et les services écosystémiques qu’elle produit soutiennent nos sociétés (rappelons que les services écosystémiques sont évalués à 1,5 fois le PIB mondial). Le précédent cadre mondial – les objectifs d’Aichi – avait été un échec important avec très peu d’objectifs atteints et n’avait pas permis de préserver la biodiversité. Ainsi selon l’IPBES « l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 % en moyenne depuis 1900».

La COP 15, qui aurait dû se tenir en 2020 et a été reportée à cause de la Covid-19, saura-t-elle être à la hauteur des enjeux et parvenir à un objectif équivalent à la neutralité carbone pour le climat ? Quelles attentes peut-on avoir notamment pour le monde économique ?

 

Quels grands objectifs seront discutés ?

Le document préliminaire porté par la CDB contient une vingtaine d’objectifs (des « cibles »). Lors de cette COP, quelques-unes seront particulièrement scrutées, comme :

  • La cible 3 porte un objectif de conservation et vise à protéger 30% des zones terrestres et 30% des zones maritimes d’ici 2030. C’est un objectif ambitieux au regard des 17% de zones protégés Cette cible avait bénéficié d’un relatif consensus lors des sessions de préparations. Cet objectif sera porté par l’UE qui souhaite revoir cette ambition à la hausse en y ajoutant la mise en place d’actions de restauration sur 3 milliards d’hectares d’écosystèmes terrestres, et autant d’écosystèmes marins. La question du niveau de protection est évidemment au cœur des enjeux.

 

  • La cible 13 concerne l’accès et le partage des avantages liés aux ressources génétiques. Elle tend à mettre en œuvre des mesures visant à en faciliter l’accès ainsi qu’à assurer le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Les débats se font particulièrement autour du partage des avantages selon la forme de la ressource avec la technique du séquençage numérique qui soulève de nouvelles questions en la matière. Lors de la précédente réunion des parties à Nairobi, les participants ont « tracé le chemin d’un accord sur le partage des bénéfices du Digital Sequencing Information sur les ressources génétiques ». La mise en œuvre du « protocole de Nagoya » a été assez variable selon les pays jusqu’à aujourd’hui.

 

  • La cible 15 contient des exigences sur l’évaluation et le reporting des impacts et des dépendances sur la biodiversité des entreprises et sociétés financières ainsi que la diminution de moitié des impacts en s’orientant vers des pratiques plus durables. Le reporting en matière de biodiversité est au cœur de l’actualité avec les initiatives telles que « make-it mandatory » de la coalition Business For Nature, la « Taskforce on Nature-Financial Disclosure » ou encore la nouvelle directive européenne CSRD. L’enjeu sur cette cible sera aussi sur les réflexions autour de l’objectif de réduction de moitié des impacts. S’il est conservé, il s’agirait alors d’une ambition forte et chiffrée portée par ce nouveau cadre, dont il faudra scruter la mise en œuvre opérationnelle.

 

  • La cible 19 vise à accroitre les ressources financières d’au moins 200 milliards de dollars vers les pays en développement. Attendu et longuement débattue lors de la COP27, la question du financement pour pertes et dommages des pays en développement est au centre du débat et en tête des sujets bloquants pour la COP 15. Ces financements visent à supporter la mise en œuvre des prochains engagements. Les montants sont jugés insuffisants par les pays en voie de développement ainsi que la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité, qui estime les besoins entre 700 et 850 milliards de dollars au lieu de 200 milliards proposés. Les pays en voie de développement réclament également la revue à la hausse des 10 milliards par an de flux internationaux dédiés au financement de cette enveloppe. La solidarité et le partage international des efforts et des ressources est incontournable pour que la transition écologique se fasse sans laisser personne de côté.

 

Un risque d’échec contrebalancé par l’implication de nombreux acteurs non étatiques

La nécessité d’un accord commun ambitieux se fait de plus en plus attendre. Pourtant, à seulement quelques semaines du rendez-vous crucial, la secrétaire exécutive de la Convention sur Diversité Biologique a annoncé que les chefs d’Etats et de gouvernements ne seront pas présent en rappelant que la COP se déroule traditionnellement au niveau des ministres. Une annonce peu rassurante en vue de l’adoption d’un cadre ambitieux. Cela fait aussi craindre un manque de visibilité et de prise en compte engendré par l’absence de chefs d’Etats et de gouvernements à un tel rendez-vous.

Par ailleurs, l’ambassadrice française de l’environnement, Sylvie Lemmet, dresse un tableau peu optimiste concernant la suite des négociations du fait de la charge de travail restante et des objectifs qui sont encore loin d’être opérationnels. Elle souligne notamment le manque de volonté de certains pays.

Cependant des initiatives ont émergé pour demander de l’ambition sur certaines cibles. C’est le cas de « make it mandatory », de la coalition de Business For Nature, dont le but est de défendre l’ambition des cibles liées aux entreprises et institutions financières dont fait partie la cible 15. La coalition est en faveur de mesures contraignantes en matière d’évaluation et de divulgation d’impacts et de dépendances sur la biodiversité.

Pour ne pas reproduire les erreurs d’Aichi, il conviendra lors de cette COP de parvenir à un cadre ambitieux et surtout avec des objectifs chiffrés, scientifiques et contraignants, ainsi que des moyens suffisants et adaptés. Ce cadre devra couvrir l’ensemble des facteurs d’érosion de la biodiversité mis en avant par la « Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques » (IPBES) et se donner des moyens à la hauteur des enjeux.

Il reste encore l’espoir qu’elle aboutisse à un équivalent d’un Accord de Paris pour la biodiversité et que cette fois les parties se donnent vraiment les moyens de le respecter. BL Evolution suivra activement cette COP, afin de continuer à mobiliser les entreprises pour relever le défi de la transition écologique et de la biodiversité.