Publié récemment, le rapport du Groupe de travail II du GIEC porte sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité des sociétés humaines et des écosystèmes au changement climatique. Bien que fondamentales pour les décennies à venir, ces questions d’adaptation au changement climatique restent encore relativement discrètes dans les programmes des candidats et candidates.

C’est ce que démontre l’analyse des programmes de 6 candidat.e.s au regard des différentes thématiques du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), sans doute l’un des documents les plus représentatifs des enjeux d’adaptation en France. 

Le volet 2 du 6e rapport du GIEC présente les impacts du changement climatique par région du monde et montre qu’en France, nous sommes bien loin d’être épargnés : sécheresses, hausse du niveau de la mer, canicules, fortes pluies, inondations… Ces événements et l’augmentation de leur fréquence  induisent des impacts socio-économiques, sanitaires et environnementaux si importants que personne ne pourrait désormais plus les ignorer.

Ces dernières années, nous avons été en effet exposés en France, à des risques climatiques plus fréquents et/ou plus intenses engendrant des coûts énormes en réparations. La Fédération française des assurances (FFA) estime dans un rapport publié fin 2021 que la facture des sinistres climatiques en France sur la période 2020-2050 pourrait doubler par rapport aux 30 années précédentes et représenteraient 143 milliards d’euros d’ici 2050. La tendance à la hausse est déjà observable : le coût annuel moyen des dommages a déjà triplé entre les années 80 et la période 2015-2020.  

Alors que l’Europe a publié sa stratégie d’adaptation et que la France va bientôt démarrer la révision de son Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) pour en élaborer un 3ème, alors même que le climat ne représentait que 2,7% du temps des débats de l’élection présidentielle début février, l’équipe de BL évolution a voulu en savoir plus sur le contenu des programmes sur le sujet.

Synthèse de l’analyse des programmes

Légende :
En vert, les mesures qui répondent directement à un objectif d’adaptation ciblé dans le PNACC
En jaune, les mesures qui contribuent indirectement à l’adaptation.

 

La prise en compte de l’adaptation dans les programmes en quelques mots

                 Yannick Jadot

Le climat est abordé dans plusieurs chapitres du programme. Les mesures d’adaptation proposées couvrent donc la plupart des thématiques : bâti, eau, santé, agriculture, forêt, éducation, infrastructures, formation… avec des mesures palliatives (assurances récolte pour les agriculteurs, régime assurantiel de catastrophe naturelle) et préventives (végétalisation urbaine, gestion dynamique des forêts, rehaussement des normes pour les infrastructures). Certains sujets manquent d’approfondissement alors qu’ils sont pourtant très vulnérables face aux impacts climatiques : l’eau, les sols, la protection des aires marines, la pêche durable, la recherche… qui sont bien plus approfondis sur la réduction des impacts de nos activités sur l’environnement que sur leur adaptation.

                  Anne Hidalgo

Un volet du programme est dédié à l’écologie, dans lequel on retrouve ces mesures d’adaptation parmi d’autres qui visent à diminuer nos impacts (logements bas carbone, agroécologie….). Ces mesurent couvrent plusieurs thématiques : recherches, infrastructures, forêt, biodiversité… avec quelques impacts ciblés : inondations, canicules, montée des eaux. On peut souligner un engagement à renforcer les moyens humains et d’ingénierie des organismes publics (ONF, Météo-France, Cerema, ADEME). C’est un volet traité un peu à part (une mesure isolée) et insuffisamment détaillé au regard des enjeux qu’il représente.

                  Jean-Luc Mélenchon

Les mesures d’adaptation couvrent de nombreuses thématiques et le sujet de l’adaptation est traité en tant que tel : plan global de rénovation des infrastructures pour les adapter, plans d’adaptation spécifiques à la montagne et à l’élévation du niveau des mers, révision des plans de préventions des risques inondations, fonds d’aide à la relocalisation des constructions menacées par les inondations et la montée des mers… On observe via ces mesures différentes approches de l’adaptation : de l’ajustement à la transformation (délocalisation par exemple). On peut aussi noter le renforcement des moyens (Cerema, ONF, OFB, Météo-France). Au global, le programme ne traite pas de toutes les thématiques mais présente une approche approfondie de l’adaptation sur les enjeux traités.

                 Emmanuel Macron 

Son programme n’aborde pas une seule fois le sujet de l’adaptation aux conséquences du changement climatique. Pourtant, en juin 2021, le Haut Conseil pour le climat avait estimé que le gouvernement ne s’était pas assez bien préparé au choc climatique, et que son action était « insuffisante » en matière d’adaptation. Si Macron s’intéresse surtout aux questions d’atténuation et de transition énergétique, son approche en transition écologique reste sous le prisme de la productivité et de la performance notamment dans le secteur de l’agriculture. Quelques mesures peuvent contribuer indirectement à l’adaptation comme un projet de soutien financier pour les agriculteurs et une rémunération pour les services environnementaux qu’ils rendent, sans citer les impacts climatiques que subissent les agriculteurs dans les mesures de soutien proposées. De même sur la rénovation énergétique des logements mise en avant dans le programme, qui ne mentionne pas la prise en compte des risques climatiques dans le bâti tels que les canicules ou les inondations.

                  Valérie Pécresse

Seul le sujet de l’agriculture est traité sur la question de l‘adaptation changement climatique. Cela passe principalement par un soutien financier pour les agriculteurs pour faire face aux enjeux du changement climatique. D’autres mesures contribuent indirectement (amélioration de la qualité des logements ou les infrastructures) mais sont traitées sans mentionner l’adaptation au changement climatique nécessaire. Les autres thématiques à fortes vulnérabilités ne sont pas mentionnées au sein du programme. 

                  Marine Le Pen

Le programme ne contient pas de chapitre dédié à l’environnement. Le chapitre agricole est fortement axé sur la relocalisation des flux agricoles, qui participerait à une résilience du pays. Le développement l’agriculture biologique est encouragé, et une seule mesure est ciblée vers l’adaptation aux risques climatiques : protéger les producteurs efficacement face aux aléas climatiques et économiques par une réorganisation du système d’assurance, et c’est une mesure palliative plutôt que préventive. Sur les autres secteurs et activités fortement vulnérables, rien de spécifique n’est proposé pour faire face aux conséquences du changement climatique.

                Nathalie Arthaud

Le contenu du programme de Nathalie Arthaud est plus difficile à analyser car sous format vidéo. La principale mesure proposée sur l’écologie concerne la mise en place d’une politique concertée et planifiée à l’échelle de la planète, notamment pour porter une réflexion sur les habitudes de production et le fonctionnement capitaliste de l’économie mondiale. Une proposition complexe à se saisir pour évaluer la prise de position concrète pour faire face à l’urgence climatique. L’adaptation au changement climatique n’est donc pas citée dans cette partie du programme.

              Philippe Poutou

Le programme de Poutou met bien en avant les enjeux environnementaux qui se posent à nous et cite les rapports qui nous rappellent l’urgence de l’enjeu climatique tels que ceux du GIEC. Si les sujets de la sobriété énergétique, de la justice sociale et de la volonté de sortir du système capitaliste actuel sont bien mis en avant, aucune mesure concrète concernant l’adaptation au changement climatique n’est proposée. Quelques mesures peuvent y contribuer indirectement : le développement de circuits courts avec une aide aux filières autogérées et aux coopératives, la limitation de l’artificialisation des sols et la préservation des forêts.

               Jean Lassalle

Le candidat n’aborde pas le sujet de l’adaptation et aucune mesure en lien avec la thématique n’est donnée. Seules deux mesures : la mise en place d’un “ticket paysan pour soutenir les circuits courts” et “l’entretien des paysages, des chemins et cours d’eau ou biens communs” pourraient contribuer indirectement à l’adaptation au changement climatique de l’agriculture et de la biodiversité.

                 Fabien Roussel

Un volet est consacré à l’environnement et la transition énergétique et climatique. Deux objectifs mentionnent directement la question de l’adaptation au changement climatique : développer des budgets et financements pour faire face aux risques naturels dans les territoires, en ciblant les risques d’inondation et d’incendie ; et la création d’un régime public d’assurance contre les aléas climatiques, sanitaires et environnementaux. Cette deuxième proposition souligne plutôt une approche curative et non préventive pour adapter les forêts. Des mesures telles que la rénovation énergétique des bâtiments auraient pu intégrer la question de l’adaptation du bâti aux risques climatiques mais ce lien n’est pas détaillé ; de même avec la pêche durable qui n’aborde pas l’enjeu de la modification des ressources de poissons au regard du climat et des océans. Enfin, des propositions de préservation de la biodiversité (l’océan, l’augmentation des surfaces terrestres protégées…) et de la ressource en eau contribuent indirectement à l’adaptation au changement climatique.

               Nicolas Dupont-Aignan

Le programme présente un volet consacré à l’environnement et l’énergie, tourné principalement sur la question du mix énergétique. Seul le volet agricole contient une mesure d’adaptation, sur la gestion de l’eau entre hiver et été, sans davantage de détails ni de lien directement mentionné avec le changement climatique. D’autres mesures proposées pourraient avoir un impact bénéfique pour l’adaptation mais là encore l’enjeu n’est pas identifié : isolation des bâtiments, réduction de l’artificialisation des sols, rationalisation de la pêche équilibre quantitatif par des pratiques plus extensives), préservation des écosystèmes et milieux naturels autour de la mer et des océans.

                  Eric Zemmour

Le programme contient un volet spécifique sur l’environnement, dans lequel l’adaptation est abordée uniquement sur la question des forêts : établir une stratégie forestière nationale, notamment à travers la création d’un fond de reboisement et d’adaptation au changement climatique. En revanche, l’adaptation n’est pas abordée dans l’agriculture ou dans d’autres domaines vulnérables. 

Ce que l’équipe de BL évolution en retient

De manière générale

Aucun programme ne propose une vision systémique pour prendre à bras le corps l’ensemble des impacts du changement climatique. Qu’ils soient ambitieux ou non sur les questions environnementales, les candidat.e.s ont plus approfondi les questions d’atténuation des dérèglements climatiques ou de baisse de l’érosion de la biodiversité que les questions d’adaptation.

Sur l’ensemble des mesures proposées

Celles qui se projettent dans une adaptation transformationnelle sont encore rares, et démontrent des mesures plutôt d’ajustement. En dehors de Jean-Luc Mélenchon qui traite cet enjeu d’un point de vue programmatique et Yannick Jadot sous un angle plutôt d’ajustement, aucun des autres programmes analysés ne semble avoir compris l’importance de cet enjeu.

Ce que cette analyse reflète au sein des débats environnementaux (et dans le débat public en général)

La question de l’adaptation aux impacts climatiques actuels et futures se doit d’être plus largement abordée, afin d’anticiper et de préparer la manière dont nous pouvons nous adapter à des périodes plus incertaines et des impacts plus intenses.