Après 2 ans de travaux et d’ateliers, France Stratégie vient de publier son rapport « Soutenabilités ! Orchestrer et planifier l’action publique ». Les auteurs mettent en avant les « conflits de soutenabilités » que rencontrent nos sociétés et insistent sur la nécessité d’impliquer toutes les parties prenantes dans la construction de politiques publiques plus justes et plus durables.

Soutenabilités et besoin d’orchestration

Deux années de travail mené de manière participative et pluridisciplinaire, ont révélé d’après France Stratégie « un conflit de soutenabilités ». Les auteurs du rapport paru le 8 mai précisent : « Prise en compte isolément, la préservation de l’habitabilité de la planète peut amplifier les inégalités sociales et territoriales. Et sur l’ensemble de ces enjeux, nos politiques publiques peinent à apporter des réponses cohérentes et durables. Ce rapport propose de changer de méthode pour changer de cap. Il s’agit de rénover notre démocratie, de réapprendre à planifi­er pour « orchestrer les soutenabilités » et pour construire une action publique à la fois durable, systémique et légitime. »

Une longue première partie du rapport pose donc le diagnostic sévère et lucide des « trajectoires insoutenables » sur lesquels se trouve l’humanité. Cela inclut évidemment le changement climatique et la raréfaction des ressources mais aussi, pour France Stratégie, une certaine « fragilisation sociale », la « fatigue démocratique » et les « bouleversements démographiques » à l’échelle mondiale. Sur une thématique portée depuis longtemps par BL Evolution, la biodiversité, les auteurs du rapport n’hésitent pas à parler d’effondrement et à pointer du doigt les principales causes : déforestation et artificialisation des sols, surexploitation des milieux, usage démesuré de pesticides et changement climatique. Les boucles de rétroaction entre les risques sont d’ailleurs bien exposées. Le rapport souligne : « Menacé par les effets du changement climatique, la biodiversité peut aussi l’être… par les mesures destinées à l’endiguer ; certains scénarios visant à décarboner l’économie mondiale sont ainsi critiqués pour leurs effets potentiellement désastreux sur la biodiversité, notamment en raison du changement d’affectation des terres qui serait nécessaire pour obtenir des émissions négatives. »  Mais les experts de France Stratégie vont encore plus loin, affirmant avec toute une sous-partie dédiée, l’insoutenabilité de la croissance.

L’implication nécessaire des parties prenantes

Dans sa seconde partie, le rapport détaille des transformations à faire au sein des institutions publiques pour incarner et décliner de manière opérationnelle le concept de soutenabilité. Les auteurs expriment le besoin d’outils, d’indicateurs et de référentiels nouveaux ou renouvelés pour diagnostiquer les problèmes. Ils notent que les outils actuels « rencontrent des limites, de conception – ils ne visent pas à assurer la soutenabilité – ou d’usage – ils sont insuffisamment employés ».

Si ce nouveau rapport de France Stratégie a principalement pour objet de définir un référentiel pour une action publique durable, systémique et légitime, qu’en est-il de la place des entreprises et autres parties prenantes dans l’approche par les soutenabilités ? Les auteurs y font plusieurs fois allusion, par exemple sur le traitement des géants du numérique ou sur l’acceptabilité des « contraintes lourdes que représenterait une transition écologique et sociale globale », acceptabilité qui « pourrait être renforcée si les restrictions, les interdictions, les normes ou les taxes étaient décidées à l’issue d’un processus consultatif aussi large et approfondi que possible ». Mais surtout, France Stratégie vient promouvoir avec ce rapport une vision rafraichie de la planification nationale qui chercherait notamment « à construire de nouvelles alliances avec les entreprises mais aussi avec les citoyens et avec les territoires ».