A la suite du report de la date d’entrée en vigueur de la Responsabilité Elargie Producteur (REP) pour les produits et matériaux de la construction du secteur du bâtiment, la filière verra finalement le jour au 1er janvier 2023.

La gestion des déchets du Bâtiment est particulièrement problématique, le secteur générant un flux de déchets :

  • Aux volumes importants : plus de 40 millions de tonnes à l’année soit autant que l’ensemble des déchets ménagers
  • A la valorisation peu vertueuse : valorisation largement portée par le remblayage des déchets inertes mais dont la part de recyclage, réutilisation, réemploi reste
  • A l’origine de nombreux dépôts illégaux : le dépôt sauvage de ces déchets est un fléau que les autorités publiques ne parviennent pas à contrôler

La nouvelle REP doit permettre de structurer la filière afin de répondre à ces différents enjeux. A deux mois d’une entrée en application, quels sont les objectifs fixés par la REP et comment la filière s’organise-t-elle ?

Responsabilité Elargie des Producteurs : Quesako ?

Tel que défini dans la loi à l’article L541-10 du Code de l’Environnement, le principe de Responsabilité Elargie du Producteur ou REP impose à toute « personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication, […], de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ».

La REP concerne aujourd’hui en France une vingtaine de filières, comme les déchets d’ameublement, les pneumatiques ou encore les équipements électriques et électroniques.

Figure 1 : Filières REP et dates de mise en œuvre opérationnelle* (*Date du premier agrément ou date de fonctionnement opérationnel de l’organisation ou date de pris en charge des produits usagés) – Source : ADEME 2021

Concrètement, les metteurs sur le marché de produits adhèrent à un éco-organisme agréé par les pouvoirs publics et lui transfèrent cette obligation en échange d’une contribution financière : c’est ce qu’on appelle l’éco-contribution.

Celle-ci est basée sur les permettant à l’éco-organisme d’organiser la gestion des déchets issus de leurs produits en fin de vie.

Avec la promulgation de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC), les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment sont à leur tour concernés par cette mesure. Cela concerne environ 42 millions de tonnes de déchets générés annuellement, soit autant que ceux produits par les ménages.

Figure 2 : Fonctionnement de la filière REP des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (Graphique BL évolution)

Nouvelle filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment : quels objectifs ?

Initialement prévue pour entrer en vigueur au 1er janvier 2022, le gouvernement a reporté cette date au 1er janvier 2023. Il a justifié cette décision dans un communiqué de presse du 17 novembre 2021 par le « contexte marqué par la crise sanitaire et la situation actuelle de tension sur l’approvisionnement pour certaines matières premières de construction ».

Le décret relatif à la responsabilité élargie des producteurs pour les produits et les matériaux de construction du secteur du bâtiment a été publié le 31 décembre 2021. Celui-ci précise notamment les modalités de fonctionnement de cette nouvelle filière REP, les critères de tri et de reprise sans frais des déchets, les caractéristiques du maillage territorial des installations de reprise de ces déchets, etc.

Avec ce texte, le calendrier prévisionnel de la mise en place de la REP se précise mais n’est pas totalement fixé. Il sera complété par l’arrêté du 10 juin 2022 portant cahier des charges des éco-organismes qui définit les modalités de mise en œuvre de la filière (éco-conception des produits, collecte des déchets, instances de gouvernement, etc.) et les objectifs à atteindre.

Globalement, la mise en place de cette nouvelle filière REP vise à atteindre 3 objectifs principaux :

  • Renforcer le maillage des points de collecte accessibles sur tout le territoire aux artisans et entreprises du bâtiment pour traiter les déchets au plus près des chantiers ;
  • Soutenir les collectivités locales qui prennent en charge les déchets du bâtiment apportés par les particuliers, et développer le réemploi, la réutilisation et le recyclage de ces déchets ;
  • Apporter une solution concrète à la problématique des dépôts sauvages de déchets du bâtiment, grâce à deux leviers :
    • Un levier « préventif » de reprise gratuite des déchets financé par les éco-organismes
    • Un levier « curatif » de versement par les éco-organismes d’une contribution financière aux collectivités pour couvrir une partie des coûts de résorption des dépôts.

Les produits et matériaux relevant de la REP sont classés en 2 catégories principales : les produits et matériaux « inertes » constitués majoritairement de minéraux (béton, terre, granulat, céramique, etc.) et les « non inertes non dangereux » (produits à base de métal, bois, verre, plastique, laines, textiles, plâtre).

Pour assurer la bonne amélioration de la valorisation, des objectifs sont fixés pour chaque catégorie à horizon 2024, 2027 et aussi 2028 dans le cas des déchets inertes.

En complément des objectifs relatifs aux déchets non inertes, des objectifs de recyclage spécifiques à certains flux de matériaux ont été fixés (bois, le verre, le plastique et le plâtre) :

Figure 3 : Objectifs intermédiaires et cible pour les déchets inertes ; objectifs intermédiaires pour les déchets non inertes et exemple objectifs de recyclage spécifique au bois dans le cadre de la REP Bâtiment – Graphique BL évolution

Eco-organismes : où en est-on aujourd’hui ?

La publication récente du Cahier des Charges de la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment permet aux éco-organismes candidats de constituer leur dossier et de déposer une demande d’agrément auprès des pouvoirs publics.

Jusqu’à aujourd’hui, 4 structures ont été identifiées candidates pour ces éco-organismes :

  • Deux éco-organismes existants : Valdelia et Eco-mobilier, tous deux créés en 2011 et agréés par le Ministère de la transition écologique pour la collecte et le recyclage respectivement des Déchets d’Eléments d’Ameublement (DEA non ménagers) et du mobilier usagé
  • Deux nouvelles structures : Ecominéro et Valobat respectivement créées à l’initiative des industriels de la filière minérale et des entreprises du bâtiment pour accompagner les producteurs à remplir leurs obligations liées à la nouvelle REP

Par arrêté, les 4 structures candidates se sont vu décerner leur agrément par l’Etat :

  • Eco-mobilier (devenu ecomaison) et Ecominéro dans un accord de coopération croisée : Ecominéro agréé pour la collecte et le recyclage des matériaux inertes (catégorie 1), ecomaison agréé pour organiser la collecte et le recyclage des matériaux non inertes non dangereux (catégorie 2)
  • Valdelia, qui a également obtenu le précieux sésame pour les déchets de catégorie 2 par arrête du 6 octobre 2022
  • Valobat agréé sur toutes les catégories de produits et matériaux du secteur du bâtiment (catégories 1 et 2) par arrêté du 30 septembre 2022. Cet éco-organisme constitue ainsi la seule structure à proposer une offre complète sur tous les produits et matériaux et sur tous les canaux de collecte des déchets.

Les campagnes d’adhésion ont été lancées le 10 octobre 2022, marquant ainsi le début des négociations entre les acteurs de la filière et les éco-organismes.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les éco-organismes désignés ont désormais 2 mois pour mettre en place l’éco-organisme coordonnateur. Son rôle sera, entre autres, d’assurer la cohérence de la REP, la bonne mise en place des campagnes d’information, la traçabilité des flux de déchets, de servir de guichet unique pour les usagers ainsi que le maillage territorial.

Sur ce dernier point, les éco-organismes ont 10 mois pour travailler avec les collectivités pour identifier et mettre en place les points de reprise du maillage de la REP. Ils devront faire face à la complexité d’identifier du foncier disponible ainsi qu’à l’acceptabilité des territoires à accueillir des volumes de déchets importants.

A deux mois de l’introduction de la REP, cette tâche semble donc loin d’être aisée.