Le 18 juin dernier, le Parlement Européen a adopté une nouvelle législation afin d’encourager les investissements durables.

Le Parlement Européen approuve un nouveau cadre pour valoriser une activité écologiquement durable, qualifiée ainsi si elle contribue à au moins l’un des 5 objectifs environnementaux fixés par l’UE, sans pour autant en impacter négativement un autre. Les 5 objectifs sont les suivants :

  • Atténuation du changement climatique et adaptation
  • Utilisation durable et protection de l’eau et des ressources marines
  • Transition vers une économie circulaire
  • Prévention et contrôle de la pollution
  • Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes

Cette législation, taxonomie verte, a un objectif double : qualifier les investissements dits « verts » ou « durables » avec des critères stricts pour prévenir le greenwashing et, permettre de diriger les capitaux vers les activités les moins prédatrices sur l’environnement au niveau européen. Pour cela, les activités sont classées selon 3 catégories :

  • Les activités vertes répondant aux objectifs environnementaux ;
  • Les activités transitoires et favorisantes regroupant les meilleures pratiques d’un secteur n’ayant pas encore de solution de remplacement pour réduire ses émissions de carbone (par exemple la fabrication d’acier) ;
  • Les activités facilitatrice regroupant les secteurs qui aident au développement d’activités bas carbone (par exemple la fabrication d’éolienne).

Quelles activités économiques répondent à des objectifs environnementaux ?

Le règlement de la taxonomie définit quelles activités économiques peuvent être éligibles pour chaque objectif environnemental.

Extrait de la liste des activités contribuant de manière important à l’adaptation au changement climatique – Rapport final du Groupe technique d’experts sur le financement durable (TEG), mars 2020

 

La législation devrait entrer en vigueur 20 jours après sa publication au journal officiel de l’UE le 22 juin dernier. La Commission actualisera régulièrement les critères techniques de sélection pour les activités transitoires et favorisantes. D’ici le 31 décembre 2021, elle devrait également définir des critères permettant d’identifier les activités ayant un impact négatif important sur l’environnement. Il s’agit d’une décision très attendue étant donné que certaines activités ne font pas l’unanimité au sein de l’UE. C’est le cas, par exemple, du nucléaire qui divise les pays européens, entre pro et anti-nucléaire. Tout comme le gaz, le nucléaire pourrait potentiellement faire partie des activités transitoires, en raison de la faible émission de GES induite par son utilisation. Le Parlement se donne jusqu’à fin 2021 pour trouver à un accord.

Une étape validée du Green Deal Européen

Le Green Deal Européen, grand plan de transformation de l’économie européenne vers une économie bas carbone et moins prédatrice de l’environnement, fixe un certain nombre d’objectifs environnementaux, et notamment celui de la neutralité carbone pour 2050. Un objectif intermédiaire est également défini : réduire d’au moins 50%, et vers 55%, les émissions de GES de l’UE par rapport au niveau de 1990, d’ici à 2030.

Pour atteindre ces objectifs, le Pacte Vert Européen est structuré autour de 3 chantiers : la taxonomie verte, le « Disclosure » et le benchmark. Concernant la taxonomie, les travaux ont commencé en 2018 quand la Commission européenne a proposé un règlement sur la taxonomie, puis constitué un Groupe d’experts techniques sur le financement durable (TEG), dont les travaux ont mené à la publication d’une liste des activités durables, en juin 2019. Les critères de la taxonomie ont fait l’objet de nombreuses questions politiques qui ont divisées les pays européens. Au cours de plusieurs mois de débat, les critères ont été révisés pour enfin aboutir à une proposition finale de la taxonomie en mars 2020.

L’adoption du règlement sur la taxonomie verte par le Parlement Européen constitue donc une étape majeure dans le Plan d’action sur la finance durable de l’UE. Toutefois, une mobilisation des fonds publics et privées est nécessaire pour investir massivement dans les activités bas carbone et ainsi atteindre la neutralité de l’Union Européenne en 2050. L’objectif intermédiaire de réduction de 50% des émissions d’ici 2030 pourrait être atteint si environ 260 milliards d’euros supplémentaires sont investis annuellement dans les activités « vertes ».

Quelles conséquences pour les acteurs de la finance ?

Actuellement, les investisseurs peuvent placer leurs capitaux dans des fonds durables ou verts finançant des activités considérées comme ayant une faible empreinte environnementale. Au niveau européen, il existe de nombreux fonds classés différemment et ayant des objectifs divers. Novethic identifie ainsi, par exemple, 704 fonds en 2019. La taxonomie vient donner un cadre réglementaire à la finance durable, limitant ainsi le greenwashing. Elle fait sortir la finance durable de sa niche en généralisant le champ d’application de la finance durable à tous les secteurs d’investissement. Les fonds thématiques environnementaux ou les fonds durables devront ainsi indiquer la part de leur encours faisant partie de la taxonomie.

« La taxonomie de l’investissement durable est probablement le développement le plus important pour la finance depuis la comptabilité. Elle va changer la donne dans la lutte contre le changement climatique, » a déclaré la rapporteure de la commission de l’environnement, Sirpa Pietikainen (PPE, FI).

La taxonomie bouleverse aussi les méthodes de reporting des entreprises entrant dans les catégories concernées. Aujourd’hui les entreprises définissent elles-mêmes les choix de reporting (orientés par les agences de notation ESG), demain elles devront publier la part de leur chiffre d’affaires et de leurs investissements annuels réalisés dans une ou plusieurs des activités recensées.

Les investissements durables étant aujourd’hui insuffisants, la taxonomie va changer les règles du jeu sur les marchés financiers pour allouer davantage d’actifs au financement d’une économie réellement alignées avec l’Accord de Paris. Elle servira à mesurer le gap restant à combler pour la transition. Les lobbyings financiers à Bruxelles ont longtemps soutenu une taxonomie à la marge et non obligatoire, s’appliquant uniquement sur les fonds se réclamant durables. Le secteur de la finance devra donc s’adapter à cette transformation radicale qui change la raison d’être des investissements.

La finance durable prend le l’ampleur

Le secteur financier, très critiqué pour son manque de considération envers les enjeux environnementaux, initie de plus en plus d’initiatives pour réorienter les capitaux du secteur vers des activités dont l’impact négatifs sur l’environnement est moindre. Les enjeux ESG sont aujourd’hui pris en compte dans les investissements des fonds dits « durables ». Ils permettent d’identifier l’impact sociétal des activités et entreprises financées. Les Principles for Responsible Investiment (PRI), regroupant des propriétaires et gestionnaires d’actifs impliqués dans une démarche ESG, ont très récemment publié un nouveau cadre de reporting, obligeant les signataires des PRI à mesurer l’impact réel de leur investissement sur les 17 Objectifs du Développement Durable (ODD). Le plus gros gestionnaire d’actifs, BlackRock, lance un fonds à impact aligné avec les ODD.

La crise sanitaire a récemment mis à l’arrêt une bonne partie de l’économie. La plupart des entreprises ont ainsi vu leur valeur chuter sur les marchés financiers. Les fonds ESG se sont montrés plus performants sur cette courte période et devrait se révéler plus résilient sur le long terme. Le secteur de la finance doit aujourd’hui se réinventer pour survivre à la crise économique majeure qui s’annoncent. Les prévisions pour fin 2020 annoncent une récession de l’économie européenne de près de 8% à la suite de l’épidémie de Covid-19, une première depuis 1929. Les plans de relance des états membres devront s’orienter prioritairement dans le pacte vert. Des investissements massifs dans les technologies bas carbone et respectueuses de l’environnement pourraient donner un coup de souffle au secteur financier, qui manque d’air frais depuis la crise de 2008. L’économie européenne doit se transformer pour s’aligner avec les enjeux environnementaux de ce siècle et la contrainte croissante de l’approvisionnement en énergies fossiles. Des investissements massifs du secteur financier sont une condition nécessaire pour amorcer cette transformation.